samedi 16 mai 2009

Vingt ans après Tien Anmen








Guy Sorman
12 mai 2009






Il fut un temps, lointain, où la France incarnait les Droits de l’homme. Mais c’est à New York que l’épouse de Gao Zhisheng – Geng He – vient de trouver refuge. Gao, pour ceux qui suivent le combat des démocrates chinois, est un avocat qui a cru (naïvement, me semble-t-il, pour l’avoir rencontré) en la parole du Parti communiste chinois. On sait en effet que le gouvernement de Pékin, sous la pression des Occidentaux (ou pour leur complaire) a adopté, ces années récentes, une Constitution qui mentionne les Droits de l’homme, un Code civil et un Code pénal. En apparence, la Chine est devenue un état de droit : mais la plupart des procès, quand il y en a, se tiennent à huis clos et la présence d’un avocat n’est pas obligatoire. Il appert aussi que 100% des inculpés au pénal sont déclarés coupables : au mieux, un avocat peut-il tempérer la sentence. Enfin, tout juge reste soumis au contrôle hiérarchique d’un délégué du Parti qui veille à ce que la décision de justice ne contredise pas les intérêts de l’Etat. Etrange justice qu’une Grande muraille borde… Il n’empêche que Gao le téméraire s’est lancé, il y a dix ans, dans l’improbable métier d’avocat à Pékin. Le Parti, initialement, le laissa même gagner quelques procès au civil dans des affaires de corruption : le Parti montrait ainsi au monde que la Chine se civilisait et qu’elle luttait contre la corruption. Gao se savait – un peu – manipulé. Les ambassades occidentales, les hommes d’affaires sinophiles et les imbéciles se réjouirent alors de cette évolution pacifique de la Chine, vers le droit sinon vers la démocratie. C’était avant les Jeux Olympiques et un jeu du Département de la propagande (c’est sa dénomination officielle) chinoise qui maîtrise tous les ressorts de la bêtise et de l’esprit de lucre en Occident. Gao, lui, crut apercevoir une brèche, à la manière des dissidents soviétiques qui, après les accords d’Helsinki de 1975 sur les droits de l’homme, emportèrent quelques succès légaux contre la dictature de Brejnev. Mais les Soviétiques, parfois, éprouvaient de la mauvaise conscience ; parfois, ils étaient en désir de reconnaissance par les Occidentaux. Un vieux fonds chrétien sans doute. Les dirigeants chinois n’ont, eux, jamais mauvaise conscience ; et ils sont tout à fait persuadés que leurs normes de civilisation sont supérieures à celles de l’Occident.

Gao, l’imprudent, passa du civil au criminel : il se fit l’avocat de prédicateurs religieux : des catholiques appartenant à l’Eglise clandestine (une autre est officielle, noyautée par le Parti) et des Bouddhistes de la mouvance Falun Gong. Or, il est en Chine interdit de se réclamer d’une religion non organisée ; plus généralement, il est interdit d’appartenir à quelque organisation que ce soit, non autorisée et non gérée par le Parti. À titre individuel, tout ou presque est aujourd’hui permis en Chine : s’enrichir est vivement encouragé. À partir de deux, on est soupçonné de comploter contre la sûreté de l’Etat.

Gao a été placé, au début de cette année, en résidence surveillée et sa femme et ses enfants harcelés : le but de ce harcèlement était d’obtenir que Gao se taise. Mais Gao sur le Web a posté des propos favorables à la démocratie ; comme l’ont fait Hu Jia et Liu Xiaobo, tous en prison maintenant. Sans jamais n’avoir enfreint aucune loi chinoise.

Geng He s’est donc enfuie vers les Etats-Unis, avec l’aide d’un réseau clandestin de passeurs chrétiens : elle est catholique. Elle parvint en Thaïlande en mars, puis aux Etats-Unis, preuve que ces réseaux de résistance interne contre la dictature existent bien. À New York, Geng He et ses enfants sont soutenus par des associations chrétiennes et par Human Rights in China, l’organisation la plus active au monde, pour soutenir les démocrates chinois : elle est présidée par l’universitaire américain Andrew Nathan.

Geng He reverra-t-elle jamais Gao ? Liu Xiaobo retrouvera-t-il jamais son épouse restée à Pékin et Hu Jia, sa famille ? Et que savons-nous du destin de milliers d’autres prisonniers ou exécutés pour leurs opinions, dont les noms mêmes nous sont inconnus ?

À Pekin, Liu Xia, épouse de Liu Xiaobo (qui n’a jamais commis d’autre forfait qu’écrire), m’avait dit : «Nous les démocrates chinois, nous sommes comme les Juifs dans l’Allemagne Nazie. Pourquoi les Occidentaux ne viennent pas à notre secours est un grand mystère. Lorsque nous aurons tous été exterminés, vous aurez honte de votre passivité. Vous vous demanderez pourquoi vous ne nous aviez pas vu disparaître ?»

NB : on entend que les entreprises françaises font de mauvaises affaires en Chine, depuis que Nicolas Sarkozy a entre’aperçu le Dalaï Lama, à Varsovie en 2008. Mais les entreprises allemandes en Chine vont très bien alors qu’Angela Merkel ne cesse de rappeler son soutien aux Droits de l’homme en Chine (elle-même a vécu sous une dictature communiste). Et les achats chinois de Bons du Trésor américain ne sont pas affectés depuis que Geng He est parvenue à New York.
Où est l’erreur française ? Soit nos produits sont médiocres, soit notre passivité diplomatique est mal récompensée !
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Le massacre de Tien Anamen: un devoir de mémoire.

Le 3 juin à 19h à Paris , à l'initiative de Marie Holzman, sinologue et humaniste , les amis de la Chine , la vraie , seront esplanade du Trocadéro à Paris , pour se souvenir de la révolte démocratique de 1989 à Pékin et de sa répression par l'armée Chinoise , à la demande de Deng Xiaoping . Aujourd'hui encore , il est interdit de mentionner ce massacre en Chine pour une raison évidente : le Président Chinois actuel Hu Jintao et son Premier ministre Wen Jiabao furent , à l'époque , tous deux complices de la répression .

S'il subsistait le moindre doute sur qui a ordonné le massacre et qui fut complice , il est levé cette semaine par la publication des mémoires posthumes de Zhao Ziyang , secrétaire général du PC chinois à l'époque . Zhao qui voulait négocier avec les étudiants -et qui fut le véritable instigateur des réformes économiques libérales - fut évincé par la bande de Deng . La notion même de négociation démocratique échappait à Deng comme à ses disciples , toujours au pouvoir.

On ne sait toujours pas ce qu'il est advenu des victimes : nombre de corps ont été emportés par les militaires , privant les familles de mémoire et interdisant le deuil. Pour qui connait un peu la Chine , sachons qu'en silence , le peuple se souviendra . Aussi longtemps que le Parti communiste n'avouera pas ce crime, le régime ne sera pas légitime et la Chine ne sera pas un Etat normal.

Sans aucun doute, Bernard Kouchner, nous rejoindra-t-il au Trocadéro?

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