jeudi 28 mai 2009

Gary Becker : un Prix Nobel en colère




01.05.2009 - André Gosselin

Les économistes, récipiendaires du prix Nobel, qui prennent la peine de participer au débat sur les moyens de traverser la récession et de revoir les politiques économiques ne sont pas légion.

Gary Becker, nobélisé en 1992 pour ses travaux en microéconomie des comportements humains, n'hésite pas à prendre la plume pour dire ce qui ne va pas.


Âgé de 78 ans, ce professeur de l'Université de Chicago n'est pourtant pas un spécialiste des cycles économiques, des marchés financiers ou des politiques gouvernementales et de leurs retombées. Qu'à cela ne tienne, Gary Becker juge que les gouvernements, partout dans le monde, font fausse route en pensant nous sortir de la récession avec des doses massives d'investissement public, des déficits budgétaires et une régulation étatique des marchés financiers et des industries en déroute comme l'automobile. Pour un tenant de l'école " néolibérale " de Chicago, élève et collègue du célèbre Milton Friedman, il n'y a là rien d'étonnant.

Dans tous les parlements d'Europe ou d'Amérique, comme dans les pages financières des grands quotidiens de la planète, on fait le procès du capitalisme trop libéral du dernier quart de siècle. On en appelle à une plus grande intervention de l'État dans l'économie, et parfois même à plus de protectionnisme, afin de protéger les emplois de " chez nous ". Et pourtant, dit Gary Becker, ce capitalisme nous a permis de faire croître le PIB mondial de 145 % entre 1980 et 2007, soit un taux annuel de 3,4 % environ. Même avec le scénario d'une dépression économique qui pourrait retrancher 10 % à la production mondiale entre 2008 et 2010, on en arrive à une croissance du PIB mondial de plus de 120 % sur 30 ans.

Les réformes libérales et les principes du capitalisme, que la Chine, l'Inde, la Russie, le Mexique ou le Brésil ont introduits dans leur pays, ont permis de sortir des centaines de millions de familles de la misère chronique. L'élimination de certaines barrières tarifaires et une plus grande souplesse dans les lois du travail et le commerce international ont aussi permis d'augmenter le revenu par habitant de la planète de près de 40 %, ce qui ne s'était pratiquement jamais vu dans toute l'histoire de l'humanité

Or, les États occidentaux sont en train de tuer la poule aux oeufs d'or en voulant nous sortir de la récession coûte que coûte. Selon Gary Becker, les interventions des gouvernements ont le grand défaut de créer encore plus d'incertitude et de risque dans une situation qui en contient déjà beaucoup. Les entreprises, les banques ou les ménages ne sauront plus comment investir, prêter ou dépenser, dans un contexte où les prix des biens et services fluctuent au gré des intrusions de l'État dans le champ économique.

Ainsi, les milliards de dollars que les gouvernements et les banques centrales injectent dans le système font craindre le pire quant à l'inflation. Dans un tel contexte, les banques sont de moins en moins tentées de prêter de l'argent aux entreprises ou aux particuliers, en sachant que cet argent pourrait valoir beaucoup moins dans deux, cinq ou dix ans.

Les réformes et les prises de participation que les États s'accordent dans le capital ou les actifs des banques feront également que la logique politique (la recherche de gains électoraux, la bureaucratisation des institutions financières par les fonctionnaires gouvernementaux, le lobbying des groupes de pression plus ou moins solvables pour avoir un plus grand accès au crédit bancaire, etc.) prendra le dessus sur la logique de marché et la responsabilité de chacun dans les contrats entre acteurs économiques. L'administration de Barack Obama, comme d'autres en Oc-cident (la France, notamment), veut jouer un plus grand rôle dans le fonctionnement de certaines industries telles l'automobile ou la pharmaceutique, ce qui n'a pas plus de sens aujourd'hui qu'autrefois.

Plusieurs acteurs économiques, des banques aux propriétaires de maisons en passant par les investisseurs, les entreprises de construction, les fonds de couverture et les compagnies d'assu-rance, ont perdu beaucoup d'argent dans la crise financière qui nous frappe. La plupart d'entre eux n'ont pas l'intention de répéter la même erreur la prochaine fois, et ils étaient disposés à corriger les gaffes commises. Mais voilà que l'État se mêle de les " aider ", de redéfinir les règles de responsabilité, avec pour résultat de prolonger la crise.

Les promesses faites par le gouvernement Obama d'aider les ménages aux prises avec une maison trop chère pour leurs moyens, et une hypothèque trop coûteuse sont le parfait exemple d'une politique qui n'incite pas certains acteurs à être plus raisonnables la prochaine fois. Et c'est sans compter les effets dévastateurs d'une telle politique sur le moral de ceux qui ont pris leur responsabilité en achetant une propriété à la me-sure de leurs moyens financiers. Ils voient leurs impôts servir à des programmes d'aide aux propriétaires irresponsables.

Durant le dernier quart de siècle, les politiques keynésiennes pour nous sortir d'une récession n'étaient plus à la mode chez les économistes universitaires. Leur échec, tant aux États-Unis qu'ailleurs dans le monde, était tellement flagrant qu'on a cessé de les étudier pour en connaître les vrais effets et pour les mesurer précisément. On ne sait pas grand chose, par exemple, du supposé effet multiplicateur des dépenses de l'État sur le PIB.

Les conseillers économiques du président Obama ont beau prétendre qu'un dollar dépensé par le gouvernement crée un dollar et demi de richesse écono-mique, au fond on n'en sait rien tant les études sont peu nombreuses sur la question. Si Gary Becker devait risquer une hypothèse, il dirait qu'un dollar dépensé par le gouvernement crée à peine 50 cents de richesse collective. À ce compte-là, on a de belles années de gaspillage de fonds publics devant nous. Et on n'est pas sortis du bois pour rembourser la dette et pour sortir de la crise.

The Great Debt Road Trip (1900 - 2016)

Le mystère présidentiel



Nathalie Elgrably-Lévy, Économiste sénior
Institut Économique de Montréal
28 mai 2009 - 10h06


Barack Obama est adulé dans le monde entier. Chaque décision qu’il prend, chaque parole qu’il prononce, chaque geste qu’il pose, aussi anodin soit-il, est glorifié. On le vénère. On le déifie. On lui accorde une approbation inconditionnelle.

Il fait preuve de bonne volonté, certes, mais qu’a-t-il donc accompli pour mériter une telle adoration? Et pourquoi les médias sont-ils si complaisants envers lui alors qu’ils étaient intransigeants avec ses prédécesseurs et ses adversaires ?

Sur le front de l’économie, Obama a dépensé plus que quiconque dans l’histoire de l’humanité. Ses mesures coûteront trois fois plus que la Deuxième Guerre mondiale, et vingt quatre fois plus que le New Deal. En un an, il fera doubler la dette nationale accumulée au cours des 200 dernières années. Et en raison des engagements financiers qu’il a pris, cette dette doublera encore dans 10 ans. Serait-ce pour cet endettement historique et pour le colossal fardeau qu’il lègue aux générations futures que certains encensent le nouveau président?

Pour financer les dépenses stratosphériques de l’administration Obama, la Réserve fédérale fait fonctionner à plein régime sa planche à billets. En quelques mois, elle a imprimé tellement d’argent pour financer les choix politiques du président qu’elle a ranimé le spectre de l’inflation, voire celui de l’hyperinflation, avec la perspective d’un appauvrissement généralisé que cela entraîne. Se pourrait-il que ce soit la politique monétaire ultra inflationniste de la Fed qui emballe les admirateurs de Barack Obama?

Le Président américain envisage également l’abolition des coupures d’impôts votées en 2001 et 2003, ce qui aura pour effet de décourager le travail, l’épargne, l’investissement et l’entrepreneurship. Or, une telle décision nuit à la compétitivité des industries américaines et compromet la relance.

Pour «sauver» l’économie, le Congrès a accepté de dépenser 787 milliards pour un plan de relance de 1000 pages qu’aucun membre n’a lues. Puis, par souci de «contenir» le déficit, Washington annonce une réduction des dépenses de l’ordre de 100 millions, soit l’équivalent de 0,003% du budget! Est-ce donc à ses coupures budgétaires dérisoires et à ses dépenses titanesques que le président doit sa popularité?

À moins que ce ne soit au fait qu’il ait outrepassé son droit constitutionnel en exigeant le renvoi du Pdg de GM? Ou encore parce qu’il a choisi de lancer un vaste chantier de nationalisation en remettant au goût du jour de vieilles idées communistes qui ont fait banqueroute?

Sur le plan de la diplomatie et de la géopolitique, les initiatives du jeune président sont singulières. Il décide de restreindre les échanges commerciaux avec la Colombie, mais il souhaite les intensifier avec Cuba. Il revoie un buste de Churchill que Tony Blair avait offert à Bush et qui se trouvait dans le bureau ovale, mais il accepte le cadeau littéraire d’Hugo Chavez.

Il se montre conciliant avec l’Iran qui poursuit ses essais nucléaires sans faire cas des demandes de Washington, mais monte le ton avec Israël, la seule démocratie au Moyen Orient et l’allié des États-Unis de longue date. Il ne s’incline pas devant la Reine d’Angleterre, ce que l’on peut concevoir, mais il gratifie le Roi d’Arabie Saoudite d’une génuflexion qui semble cacher un baisemain. Si un autre chef d’état se rendait coupable des mêmes paradoxes, bénéficierait-il de la même indulgence des médias et de la population?

Obama a subjugué la planète. Or, la nomenclature ci-dessus mérite-elle réellement autant d’admiration? Je repose donc la question : qu’a fait Obama de si exceptionnel pour justifier tant de louanges?

mardi 26 mai 2009

Lawrence Solomon: Thick Arctic ice surprises scientific expedition



Posted: May 04, 2009, 4:09 AM by Lawrence Solomon


Ice in the Arctic is often twice as thick as expected, report surprised scientists who returned last week from a major scientific expedition. The scientists - a 20-member contingent from Canada, the U.S., Germany, and Italy - spent one month exploring the North Pole as well as never-before measured regions of the Arctic. Among their findings: Rather than finding newly formed ice to be two metres thick, "we measured ice thickness up to four metres," stated a spokesperson for the Alfred Wegener Institute for Polar and Marine Research of the Helmholtz Association, Germany's largest scientific organization.

The Alfred Wegener Institute is one of the six research organizations involved in the month-long expedition, called Pan-Arctic Measurements and Arctic Climate Model Inter Comparison Project. The other five include three from Canada (Environment Canada, University of Alberta, York University) one from the U.S. (National Oceanic and Atmospheric Administration) and one from Italy (Institute of Atmospheric Sciences and Climate.

The path-breaking project broke new ground by employing the Polar 5, a fixed-wing aircraft, rather than a helicopter with its more limited range. The Polar 5 not only landed in the Arctic ice, it towed a device called EM-Bird on an 80 metre-long rope 20 metres above the ice surface. The EM-Bird conducts electromagnetic (EM) induction sounding for ice thickness measurements.

The thickest ice that the expedition found was at Ellesmere Iceland, where thicknesses often exceeded 15 metres.

For images of the Polar 5 and the EM-Bird, visit:

http://www.awi.de/en/research/research_divisions/climate_science/sea_ice_physics/subjects/ice_thickness_measurements/em_bird/

http://www.awi.de/en/news/press_releases/detail/item/pam_arcmip/?cHash=17cb2bdafa

lawrencesolomon@nextcity.com

Lawrence Solomon is executive director of Energy Probe and Urban Renaissance Institute and author of The Deniers: The world-renowned scientists who stood up against global warming hysteria, political persecution, and fraud.

Finance: un nouveau régulateur systémique ?



Par Xavier Méra, Institut Hayek
12 avril 2009

Sans surprise, le sommet du G20 accouche de propositions telles que la création d'un « Conseil de la stabilité financière » et l'extension des réglementations ayant trait au risque systémique à toutes les institutions et marchés pouvant avoir un impact de cette nature, tels que les fameux « hedge funds ». L'administration Obama avait déjà sorti la grosse artillerie quelques jours plus tôt. Le secrétaire du Trésor US, Tim Geithner, veut un régulateur dédié au risque systémique. L'ancien directeur du FMI, Jacques de Larosière, est allé dans le même sens et veut un pendant européen au nouveau régulateur américain, un “conseil de surveillance des risques systémiques”. Bien que cela semble échapper à la plupart des commentateurs, ces annonces devraient quand même susciter quelques interrogations. N'y a-t-il pas déjà des régulateurs systémiques? Si oui, comment se fait-il qu'on en soit là aujourd'hui?

A force d'entendre et de répéter qu'on vit aujourd'hui la crise des marchés dérégulés, la faillite du « capitalisme néolibéral », etc., on finit par oublier qu'évidemment, il n'y a rien de tel dans le monde contemporain. En particulier, il y a déjà des régulateurs « systémiques » aux pouvoirs tout à fait extraordinaires, les banques centrales. Ces institutions sont en charge de la “stabilisation” des marchés en tant que prêteurs en dernier ressort et elles interviennent toujours en ce sens, de manière plus ou moins vigoureuses. Ces derniers mois, la Fed américaine ne s'en est d'ailleurs pas privé, en collaboration avec les administrations Bush puis Obama. Les bailouts en cours sont d'ailleurs sans précédent en volume. Les autres banques centrales ont aussi largement suivi ce mouvement. La question devient donc: si nous avons vécu ces dernières décennies ou siècles dans l'ère de la régulation centralisée du risque systémique, cela n'aurait-il pas un rapport avec la fragilité du système financier mondial?

La fragilité du système est reconnue de manière quasi-unanime. L'explication prête peu à controverses. Les firmes engagées dans la sphère financière fonctionnent avec de forts effets de levier. Plutôt que de se reposer sur des fonds propres pour faire des prêts, leurs activités sont principalement financées grâce à l'endettement. Partant, les firmes sont extraordinairement interdépendantes et les toujours possibles difficultés de l'une sont transmises de proche en proche au système financier entier. Plus la firme en difficulté a une place importante sur le marché, plus la contagion peut faire de dégâts. C'est le risque systémique et la raison pour laquelle de nombreuses firmes seront jugées “too big to fail” en cas de difficulté.

Autre effet de levier, souvent négligé, celui utilisé spécifiquement par les banques commerciales en charge de la création de monnaie. En tant que membre d'un cartel obligatoire coordonné par la banque centrale, elles doivent avoir un compte à cette “banque des banques” pour obtenir les billets indispensables aux retraits en liquide de leurs clients. Mais elles n'ont aucune obligation de voir les dépôts de leurs clients couverts par une réserve équivalente sur leur compte courant à la banque centrale. A la place, un ratio minimum légal de réserves (au montant ridicule de 2% dans la zone euro) leur permet de créer de la monnaie en masse tant que les dépôts ainsi créés par leurs crédits ne dépassent pas le multiple requis.

Évidemment, la monnaie fiat créée ex nihilo rapportant un intérêt par son prêt, les banques ont généralement tout intérêt à en profiter au maximum et à avoir une couverture minimale pour les dépôts. Cela implique là aussi une fragilité structurelle qui peut se traduire à terme par l'effondrement entier du système, système qui devrait ainsi être considéré pour ce qu'il est: un gigantesque château de cartes1. C'est le rôle du prêteur en dernier ressort que de le faire tenir et de prévenir une contagion en sauvant les premières banques ou firmes en difficulté avant que cela ne dégénère. Cette régulation systémique est bien sûr ce que les autorités monétaires sont en train mettre en œuvre sous nos yeux si bien qu'il est absurde d'évoquer l'image d'un monde monétaire et financier totalement dérégulée.

Si la fragilité du système bancaire et financier est reconnue, la question porte sur ses causes. Postuler l'exubérance des marchés financiers ne fait qu'éluder la question. Comme nous l'avons expliqué ailleurs, l'existence d'une banque centrale est précisément ce qui permet aujourd'hui au système bancaire de multiplier les crédits sans aucune authentique couverture des dépôts2.

Sans banque centrale, les banques devraient plus se préoccuper, lorsqu'elles étendent leurs crédits, des “fuites” ainsi engendrées. Leurs clients sont susceptibles de dépenser la monnaie nouvellement créée auprès de clients d'autres banques, auquel cas elles doivent compenser ces autres banques avec leurs réserves, ce qui les met en danger et les oblige à contracter leur crédits. La banque centrale, via la centralisation des réserves et l'injection régulière de liquidités, permet aux banques d'étendre de concert leurs crédits, de telle manière que les fuites des unes soient généralement compensées par les celles des autres. Elle repousse ainsi les freins naturels à l'expansion monétaire impliqués dans une authentique concurrence bancaire.

De plus, comme l'a expliqué le professeur Guido Hülsmann, l'existence de la banque centrale est aussi ce qui permet d'expliquer la faiblesse des fonds propres dans les firmes financières, la prédominance de l'endettement et leur extraordinaire interdépendance. Dès lors que ces firmes savent que les régulateurs sont là pour socialiser leurs pertes en cas de coup dur, pourquoi se préoccuper des risques, pourquoi garder des fonds propres qui serviraient de pare-chocs? Pourquoi ne pas plutôt s'endetter, réduire ses fonds propres et ainsi bénéficier d'un effet de levier maximum?

Il est vrai que la tendance historique à la baisse des réserves et des fonds propres précède l'avènement des banques centrales, notamment aux États-Unis, mais les régulateurs d'alors attribuaient déjà des privilèges permettant de collectiviser les pertes. La création des banques centrales a permis de systématiser les pratiques de bailouts qui existaient déjà auparavant et d'institutionnaliser plus encore l'irresponsabilité3.

La réalité est que dans le système actuel de collusion entre le secteur financier et l'Etat via un système monétaire monopolistique et centralisé -à des années lumières du tout-marché dérégulé- les pertes sont largement socialisées alors que les gains demeurent privés. Partant, la couverture des dépôts peut atteindre le niveau microscopique de 2% et les ratios de fonds propres peuvent généralement se limiter aux 8% recommandés dans les directives Bâle II. Le système bancaire est alors fragile, c'est le moins qu'on puisse dire, mais ce n'est pas un accident. « L'exubérance » est la réponse prévisible à un faisceau d'incitations perverses institutionnalisées.

Par conséquent, il devrait être clair que lorsqu'on nous annonce les « changements profonds » susmentionnés, soit on prétend créer une « régulation » qui en réalité existe déjà, auquel cas on nous vend un statu quo désastreux en nous faisant croire à la révolution, soit on veut renforcer un appareil réglementaire qui a déjà failli par rapport à son objectif déclaré. Ce sont en effet la gestion du risque systémique par la banque centrale et les réglementations et privilèges permettant de socialiser les pertes qui créent le risque systémique. Mais comme Thomas Woods le dit dans son nouveau livre, "Meltdown", la banque centrale est l'éléphant dans le magasin de porcelaine que personne ne voit ou ne veut voir. On va donc vraisemblablement lui renforcer ses pouvoirs. Pourtant, s'il faut vraiment combattre le risque systémique et l'exubérance des marchés financiers, il n'y a pas trente six solutions. Il faut éliminer leur source, les banques centrales et toute autre intervention gouvernementale permettant de socialiser les pertes, pour laisser place à une authentique concurrence bancaire, ou à tout le moins réduire la capacité d'intervention des banques centrales et la portée des réglementations nourrissant le risque systémique.

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Notes

1 Une banque qui doit rembourser plus de monnaie qu'elle n'en a face à un événement imprévu doit se tourner vers d'autres banques pour qu'elles lui fassent un prêt. Mais si elles ont elles-mêmes profiter à plein du levier des réserves partielles, elles se mettent en difficulté en faisant un tel prêt. Le dilemme est le suivant. Soit elles prêtent et risquent de tomber, soit elles ne prêtent pas mais les clients floués de la banque qui tombe seront incapables à leurs tour de payer leurs engagements. Des faillites en chaine surviendront qui ne manqueront pas de mettre en difficulté la plupart si ce n'est la totalité des banques. Cf. Jorg Guido Hülsmann, The Ethics of Money Production, Ludwig von Mises Institute, Auburn 2008, page 143.

2 Cf. Murray Rothbard, The Mystery of Banking, Richardson & Snyder, New York, 1983

3 Sur le cas des banques commerciales, voir Murray Rothbard, The Mystery of Banking, pp. 198-199: “Rather than allow the banks of the nation to fail, the governments, state and federal, decided in August 1814 to allow the banks to continue in business while refusing to redeem their obligations in specie. (...) Free banking did not work well in the U.S. because it was never fully tried. The banks were allowed to continue to “suspend specie payments” while remaining in business for 2½ years, even though the war was over by early 1815. This general suspension was not only highly inflationary at the time; it set a precedent for all financial crises from then on. Whether the U.S. had a central bank or not, the banks were assured that if they inflated together and then got in trouble, government would bail them out and permit them to suspend specie payments for years. Such general suspensions of specie payments occurred in 1819, 1837, 1839, and 1857, the last three during an era generally considered to be that of “free banking.”

dimanche 24 mai 2009

Reforming financial systems: building anew, or tinkering?



by Charles De Smet, Hayek Institute
25 April 2009


I. Apportioning blame

As always, gatherings of administrations bring together people with different agendas, varying calendars of elections and, too often, conflicting and antagonistic purposes. This spring however, the "crisis" jamboree of the G20 countries has brought together state executives with a common goal: how to use the recession to reassert the power of the states and roll back individual liberties. The leaders will try to convince their citizens that, even though they failed in their tasks in the past, they should remain in charge - and even more so - in the future.

In politics, you get more votes from consumers than from savers. In ancient Rome, consuls, senators, governors, were expected to patronize and lavishly fund the circus games and other orgies to gain support from the "plebs", and to entertain an army of scroungers, the "clientes". In modern so-called "democratic" states, the number of votes purchased by the artificial creation of income (social security, retirement, unemployment benefits, and an ever-expanding catalogue of hand-outs) are infinitely more numerous than the voices of the ones who will have to pay for that profligacy. These are, in any case, either foreigners (when you fund your circus games with external deficits) or unborn victims (when you borrow from your own citizens or when you increase retirement benefits while leaving today's contributions untouched).

The world is not short of professional gurus offering advice on how to reform the financial system. Most of the pronouncements come however from parties interested at preserving some parts of the system, while accepting to tinker with those components that are not part of their own field of activities.

Central bankers will not admit that the system built under the guidance of their "club", the Bank for International Settlements in Basel, Switzerland, was flawed from the beginning. The so-called "Basel Accords" I and II considered that imposing to the banks a minimum "capital adequacy ratio", i.e., an amount of capital equivalent to a specific share of their loan portfolio, would be enough to guarantee the "solidity" and "solvability" of the financial system. The "Accords" were nothing but compromises, largely dictated by the commercial banks themselves. Their purpose was more to limit competition amongst national regulations than to ensure the solidity and solvability of the whole.

But the central bankers' club has not been the only culprit in the system's failure.

Governments have largely contributed to the mess, in an infinite variety of direct or indirect interventions. The best known is of course the obligation for banks to allocate part of their portfolios to "underprivileged" parts of the population, i.e., to borrowers without the means to reimburse the credits. To allow the "Ponzi" scheme to continue, state-guarantees had to be granted, and funding provided, by "state-sponsored" institutions, whose failure has exposed the scheme. The actions of the US government in this respect did not differ from the behavior of now-defunct centrally-planned economies, where "credit" was directed at loss-making heavy industries without consideration for the giant destruction of resources. As Mises and Hayek have demonstrated, a rational allocation of resources in these economies becomes impossible.

In other parts of the world, other weaknesses have compounded the governments' mistakes. Wanting to build "national champions", rulers have supported acquisitions by local banks that failed to present any evidence of synergy, and lacked any strategy. To grow bigger became a purpose in itself. But, as in one of Jean de La Fontaine's fables ("The Frog who wants to make itself as big as the Ox"), one can swell oneself to death.

Sometimes, there was worse: some banks had public administrations simultaneously as shareholders and borrowers, as in the case of Dexia. This is not different from the situation found in central Europe in the phase immediately following the collapse of communism: the only groups able to subscribe to the capital of newly created "private" banks were large enterprises, mostly state-owned dinosaurs. But the funds were lent to the same enterprises by the same banks, resulting in financial institutions as useless as empty shells.

Conflicts of interests will not be limited to the states' recapitalization of the banks they already own. In fact, cases multiply where the states have to inject capital in several banks, raising serious questions about a weakening of competition and direct interventions of administrations in lending decisions. Doubts will increase on the conflicts of interests between the state as a supervisor (through a public authority), as a guarantor (through deposit insurance schemes), as a shareholder, as a participant in credit decisions (allocations by priority to public enterprises, "green" initiatives, "poor" neighborhoods), and as an employer (blocking necessary restructuring for fear of job losses).

National supervision agencies have failed to identify, anticipate, and solve the crisis. One will continue to argue whether these failures are due to the absence of coordination, or to individual failures, or to a lack of authority in imposing sanctions. Regardless of the explanation, supervisors, created to prevent crises, have been mostly inaudible in the deafening sounds of institutions crashing to the ground.

Banks themselves have not lacked imagination in inventing ways to generate income from operations kept "under the radar", i.e., off balance sheets. "Securitization" has been one instrument of risk-shifting, somewhere between "hide-and-seek" and "three-card-trick".

Merging insurance and banking has compounded the problems: selling risky investments through bank branches has been facilitated by the "coverage" of the risk by the seller/broker/insurer/banker. The seller's appetite was wetted by a remuneration that was certain and upfront. For the buyer, the risk was undefined, the reward unknown, and the loss could be total.

Rating agencies' role has been exposed over and over after the crisis, but not enough before the crisis. Remunerated by the borrowers, their excess of optimism before the disaster is only matched by their skepticism now that their paymasters have disappeared in the financial tsunami.

Last but not least, the depositors themselves, eager to increase their income, were often naive in believing that bubbles never ceased to grow, that there would always be a more gullible buyer in the future for their assets, and that higher rewards did not mean higher risks.

Reconstructing financial systems can be achieved by ignoring the evidence. The edifice will then only last till the next tremor. It can also be accomplished by accepting two premises. The first is that governments can be failures, or tend to behave in the ways of criminal organizations in the preservation of their own interests, to the detriment of their citizens. The second is that the objective of a private individual - or private enterprise - is to improve his or her own lot (ie., greed); if it remains the best engine for development, is also a danger for others when it turns to criminal behavior. A balance must therefore be found so that each of the two "would-be criminals" can control, limit, and discipline the other. It should be neither a "free-for-all" nor a "state-knows-best".

The following presents a few suggestions for the reconstruction of financial systems that would be efficient, stable and reasonably free of criminal activities and government meddling. It does not pretend to be complete and certainly calls for corrections and refinements. It would therefore be interesting to hear readers' objections and suggestions (1).


II. The reforms needed but eschewed

1. Licensing a bank to operate must remain the sole domain of a public institution, preferably the supervisory authority created by the state but independent from political interference and managed according to a clearly defined mandate. Allowing banks to be created by anyone would be an invitation to the criminalization of the entire economy. Here, however, the existing concept in Europe (a bank licensed in one country is supervised by the authority in its country of origin, and the country in which a branch is located relies on that supervision) should be corrected, as it has showed its dangers in times of crisis. After all, the government in the branch's country will be asked to protect the depositors in that branch.

Applying for a license (and the related supervision) should therefore be required in each country where the bank will operate, unless a common supervision agency exists for both countries. Should a European supervisory authority be created in the future, applying to that common authority should be the rule for any bank wishing to operate in more than one country of the Union (or the territory covered by the agency). This is not very different from the principles adopted in the United States, with its "national" and "state" charters. Maintaining state supervisory authorities have demonstrated in Europe the weaknesses, the limits, and even the perils of national systems pretending to control international banks (2).

The difficulties faced by various governments in attempting to put together rescue packages for banks active in more than one country is an indication of the degree of urgency.


2. The deposit insurance systems imagined for tranquil times have failed when needed, ie., in turbulent times. European governments have reacted chaotically: some raised the amount insured from 20.000 € to 50.000 or 100.000, or even to the full amount of all deposits. Some raised the limit for one year, announcing that they would revert to the original limit after the deadline. Other governments have raised their guarantee for some deposits, or some banks, but not others. In some cases, the amount covered by the blanket guarantee represents a multiple of the country's GDP, clearly unsustainable.

The entire concept of deposit insurance has to be reviewed from the ground up, considering four essential principles. The first is that the depositors do not have the possibility to evaluate the solvency and liquidity of a bank: a specialized agency has to do that for them. The second is that it is the assets of a bank (and not its capital) that guarantee the deposits in that bank. The third is that the limits of the reimbursement of a depositor (supposedly for the purpose of skimming the "rich" and favoring the "poor") introduces a concept of "distributive justice" that is at the same time senseless, ludicrous and ineffective. Not only does it not have any place in a banking system, but it creates new poors by downward equalization. The fourth is that a financial institution should be free to apply for insurance, and that its customers should be aware of the effects of that decision.

Any proposal for a deposit insurance system would have therefore to include the following elements:

The first one would be to make it an obligation for the banks to inform their depositors of the share of the bank's assets that the central bank would agree to refinance, according to a predetermined "floor emergency discount" ("fed") value. The ratio would fluctuate daily, with the liquidity of the assets. In the current crisis, we have seen in any case central banks fund banks indiscriminately, regardless of the assets' value, and sometimes based solely on the systemic risk they represent, ie, their size (3). The Basel I and II, tying the solvability of the banks to their capital as a fraction of their assets, and not the value (and maturity schedule) of these assets, did not guarantee the solidity of the system, as everyone is now painfully aware.

The second one would be to reestablish a coincidence between the "sovereignty" area (ie, the possibility for a given state to increase taxes to pay depositors) with the "risk" area (ie, the country in which the assets are located). It can not be justified, for example, to force Belgian taxpayers to pay for assets collected in Belgium by the subsidiary of an Icelandic bank but transferred to the head office in Reykjavik to be gambled on American mortgages. The pre-agreement for rediscount would also permit to insure the assets where they are, and avoid the dangers of "securitization" (4). In a rescue package, depositors in one country would be insured to the level justified by bank's assets in the same country: incidentally, European banks investing in assets in the USA would see the guarantee to their depositors reduced accordingly.

Combining proposals one and two would result in each depositor receiving, with each statement of account, a precise information on the proportion of his deposits covered by the insurance. This proportion should be a ratio of the total insured, not a ceiling of the deposits (so that the insurance does not become a "redistribution" mechanism). Finally, any bank that does not want to be insured should clearly indicate so on each statement. The central bank should also make information concerning the coverage ratios of all banks widely available on a day-to-day basis.

If a bank is facing a severe run, and calls for emergency rediscount, it may still be able to recall the assets later, and resume normal operations. When a run's amplitude or duration is so severe that the bank would clearly not be able to recover the trust of depositors, the bank's balance sheet has to be adjusted downwards. Unfortunately, the governments' fear of a breakdown in lending has led them to fund banks indiscriminately, maintaining alive banks that were clearly mismanaged (some of them being state-owned).

A reduction in the liabilities of the banks should be balanced by a reduction in its assets: taxpayers' resources should be used to shrink the balance sheet of the worst banks, not to maintain them alive. In the current crisis, the "once-size-fits-all" policy is clearly counter-productive: the more distressed the bank (ie., the worst managed), the more it has benefited from the gifts dished out by the states. A pernicious effect has been to force the well-managed banks to apply for "rescue" money as well.


3. Banks' closures have been haphazard, without any orderly appreciation of the degree of solvency of the assets. Proof of this disregard for the rule of law is clearly in the fact that, months after the recapitalisation and/or the provision of liquidity, discussions are still ongoing in all countries about the exact rules and size of a "bad assets bank".

A bank failing to meet the requirements or facing a run that can not be solved by the refinancing of assets should be wound down by the supervision authority, forbidding any state and political interference. If the face-value of assets is lower than the deposits received by the bank, using public funds to re-inject capital introduces distortions to the detriment of well-managed institutions, and destroys value. Recapitalising the bank should remain the sole decision of the private shareholders.

Forcing the valuation of assets at "market price" has clearly been a mistake, and should be recognized. In a global breakdown of trust, long-term assets have no value if banks were forced to sell.

In some cases, early in the crisis, states have chosen to nationalize a bank instead of closing it. If a bank has taken excessive risks, or has been mismanaged, it should not be rewarded by its nationalization, but penalized by its closure. The effects of these two solutions are indeed very different for the stability and efficiency of the financial system.

In the case of closure, the shareholders are losing their investment, unless they chose to avoid closure by recapitalizing the bank. Staff and management (who are generally responsible for leading the bank to its critical situation) are dismissed. But depositors do not suffer losses, and are free to transfer their assets to another - better managed - bank. In the case of a nationalization however, the taxpayers will be forced to fund the salaries of those responsible for the losses. A state-owned bank introduces severe distortions in the market, politically-oriented lending, and the frightening prospect of limitless losses.


4. Allowing prices and salaries to shrink.

When an economic sector experiences massive injection of resources, withdrawn from other uses, there should not be any cause for concern if the productivity in the new investments far exceeds returns in old industries, and if investments are effected with existing savings. When however, new investments are realized with credit, and the long-term productivity is dubious, the profits expected from a re-sale of the investment can not materialize without further injection of credit, and a bubble if clearly forming. The structure of production becomes distorted, and unsustainable. When the population is betting all future income on one single component (say housing) of its future needs, it is clearly wrong for the central bank to support the speculative frenzy with massive injection of credit.

A house that was worth 100.000 € in January 2000 had been estimated at 250.000 € before the start of the crisis in summer 2008 (the house-price index had increased by 150% in France, for example). But the overall GDP per inhabitant had only increased by 15%, excluding inflation. With no reason to believe that the household income would increase substantially in the future (gains in productivity, decrease in unemployment, new technical discoveries, etc...), the part of housing expenses in overall household income would rise from, say, 20% to 50%, a totally unrealistic assumption.

The price of the assets would therefore have to come down, to be back in line with the evolution of general income. In our example of a 100.000€ house, the "real" value of the same house should have been 125.000 €, as the overall income (real plus inflation) had increased over the same period by a total of 25% only. If the price reached at the height of the "irrational exuberance" (250.000€) goes down by 50%, it can hardly be labeled a disaster, as the "real" value of the house would be brought back in line with the price of other goods.

But strong resistance to such a realignment would come from the usual suspects, namely those who benefited from, and encouraged, "irrational exuberance", and lived from it. The group of hangers-on include not only the promoters, the construction companies, the real estate agents (these can accept their fate and find other ways of living), but, more importantly, the municipalities, departments, counties, ministries, and their menagerie of white elephants. These were addicted to the taxes collected from the sales, rising with the bubble, and allowing lavish lifestyles and useless investments. In France, for example, the additional people hired in public administrations to comply with the 35-hour maximum working week (11 people were needed to do the same job as 10 employees before the law), were funded largely by the taxes levied on "irrational exuberance".


III. Reforms that failed before and will be tried again


1. The states as saviors of industries

Entire industrial sectors are now clamoring to be "saved" by the injection of public money, or by new bank credits guaranteed by the state budget. Governments have a natural tendency to extend their reach, just as a criminal organization sees its own will as the sole limit to its growth. Administrations claim of course that their support will be "cyclical". But nobody has convincingly demonstrated that administrations are able to predict the duration and amplitude of cycles. In Europe, a maximum budget deficit of 3% of the GDP has been interpreted by some as a permission to maintain a permanent deficit close to that limit, even in periods of growth. Others have understood the rule as forcing them to fluctuate between equilibrium and -3%. A few interpreted that rule as allowing a cycle over a period of time (either between +3% and -3%, to maintain equilibrium over the cycle, or between 0% and -6% in the worst cases). In a depression, deficits systematically exceed the limit, and badly managed, spendthrift states live at the expense of virtuous ones, at least until the collapse of the common currency, if there is one, or a painful devaluation. Budget deficits should be banished altogether, and budgets should be based not on forecasts (always proven wrong), but on receipts effectively collected the previous year.

Not surprisingly, the worst offenders criticize the virtuous governments. If Luxembourg does not have to levy heavy taxes on its citizens (or foreigners' investments) it is undoubtedly due to the fact that it has rarely had a budget deficit. After all a "fiscal paradise" (5) can be defined as a country where public finance is well managed.

It seems that, in the profligate states, reality has difficulties translating into language. In France, a report had been commissioned with much media fanfare to suggest ways "to boost growth". The report, a catalog of micro-measures that should have been implemented half a century ago, to correct distortions introduced by the state itself, has been published in the first half of 2008. In the second half of the year, France entered in a prolonged phase of recession, and the GNP in 2009 is now foreseen to contract by 1%. The author of the report is still unable to face reality and talked recently of "the growth in 2008 being minus 1%"...


2. Providing liquidity indiscriminately

This has also been an obvious mistake. Banks may have long-term assets with very different creditworthiness. But the first applicants for the generosity of the central bank will be the banks with the worst assets. In the middle of an unfolding crisis, it is obviously difficult to set the rules for the refinancing of banks' assets, and this should have been defined long ago, with ratios established for all types of assets susceptible to be rediscounted, and the ratio of deposits covered by the insurance varying in accordance with the total "discountable" value of these assets.

Indiscriminate quantitative easing has been, so far, the only answer provided by the central banks. The term "quantitative easing" is another word for "cranking up the printing press". The massive injection of money into the system has predictable results; massive inflation, and the resulting destruction of financial assets. People with modest savings will see their value reduced to nothing, in order to maintain the value of houses purchased by people who knew they could not afford them.

Experiences of hyperinflation in Germany in the 1930s have been well researched. But the more recent occurrences have attracted less attention. Besides the sinking of Zimbabwe in a self-destructing spiral, one analysis of the hyperinflation caused by the Milosevic regime is even more interesting because it has been written by a liberal economist who became later the Governor of Serbia's central bank, and subsequently the country's finance minister. The title chosen for the English translation should sound as a warning. The author named his book in Serbian "The Economics of Destruction". The Serbian sub-title ("The Great Robbery of the People") has been replaced, in the English translation by "Can It Happen to You?" (6). To answer the question with today's slogan-based politics: “Yes it Can...”

It is not difficult to imagine that, had the Yugoslav central bank been truly independent from Milosevic's regime, there would not have been any Balkan war.

Providing liquidity in severe crises requires a central bank, a fact not always recognized by the most radical libertarians, but acknowledged by F.A. Hayek (7). It is true that Hayek has also advocated the abolition of the monopoly of money issuance, but, at the same time, he insisted that central banks might still be needed to insure the "elasticity of money". The legitimacy of the issuer is in the stability of the currency in its purchasing power (in terms of commodities). In this, mis-managed central banks can fail, but private issuers will fail even more, adding the problem of counterfeiting and fraud to the problem of erosion of value.


3. Discouraging savings

Most economists will agree that the current crises has been foreseeable, the savings ratio in the United States having fallen to zero in recent years. The Federal Reserve and other central banks are therefore implementing the wrong measures, discouraging savings by bringing the interest rate to zero. Lowering interest rates below the equilibrium level between the remuneration expected from savers and the expected productivity of investment raises demand but discourages savings. The battle goes on amongst academics on the definition of interest. It is worth quoting here three very different notions, the first one by someone who is a central figure in the current crises, the Fed's Chairman. The second by Hayek, and the third by someone who resurrected on April 2nd, J.M. Keynes.

In one of his many distinguished publications during his academic career before succeeding Alan Greenspan as the Chairman of the Federal Reserve, Ben Bernanke followed strictly the Keynesian definition of the interest rate. He wrote that the interest rate is simply the opportunity cost of holding money (8).

Based on that definition, it is not difficult to jump to the conclusion that "the Federal Reserve controls the nominal interest rate by changing the supply of money" (9) But even Mr Bernanke had to admit that the Fed can control the real interest rate in the short run only, and that, in the long run, the real interest rate is determined by the balance of saving and investment. Keynes, in his General Theory, gives two definitions of the interest rate: in one, the rate of interest is the reward for parting with liquidity. In the second, more roundabout, the rate of interest is the percentage excess of a sum of money contracted for forward delivery (10). In an annex to his Chapter 14, Keynes even addresses the very different approach adopted by Mises and Hayek, accusing them of confusing the marginal efficiency of capital with the rate of interest (11)

Hayek's answer, a few years after the fist publication of the General Theory, has clarified his meaning. It is worth quoting the entire sentence:
the rate of interest [...] is not a price of any particular thing. It is an element in the relations between the various prices of different commodities, a ratio between the prices of the factors of production and the expected prices of their products, which stands in a certain relationship to the time interval between the purchase of the factors and the sale of the product (12).

Hayek's definition refers to the cost of capital in the production process. But, as we have seen in the current crisis, the consumer (if we include in that definition the buyer of a house) does not relate to any "relations between prices", or "ratio between factors of production". In fact, the interest represents different things to the borrower and the lender. Just as Hayek described the price of a good as condensing all information for both buyers and sellers, the interest rate contains different components for lenders and borrowers.

For lenders, for example, it will comprise the cost of refinancing, the administrative expenses, the anticipated inflation, the level of trust in the borrower, the type of collateral and its "tradability" the overall macro-economic, legal and political environment, etc...

For borrowers, the interest rate must include some of these elements (with some variations due to difference in information, for example in the level of anticipated inflation). But the political environment has an opposite effect (the more troubled the environment, the more interesting to borrow, the less to lend). The estimate of the borrower of his own trustworthiness is, by definition, very different from the lender's perception.

The amount of research in the different ingredients leading to the expectations from both sides is very limited. But it should be obvious that the lowering of the rate of interest to levels close to 0% should mean that, for both borrowers and lenders, all of the ingredients leading to their decision are either canceling each other, or are also close to zero. It is difficult to imagine that everyone is anticipating a deflation (fall in prices), or trusting others more than themselves, or wishing to invest in enterprises generating losses.

With rates close to 0%, potential borrowers have massive demands for credit, because even unproductive investment are "worth" financing. Lenders (and savers) on the other hand, are withdrawing from the market, and prefer to salvage what they can from their belongings, in the knowledge that massive hyper-inflation necessarily follows an injection of 5 thousand billions US dollars (yes, 12 zeros...), unless governments brutally raise taxes to mop up the excess liquidity. If profligacy is not followed by austerity, the result is predictable: in 1923's Berlin, 5 thousand billion Reichsmark did not even buy a decent meal…

In the past, lowering the interest rate below the sum of its components has been a serious mistake. It has created the internet bubble, the housing bubble, the stockmarket bubble, and all other speculative follies in history. The liquidity injected in the system today should be priced correctly, to reflect the rarity of money, and to prevent it from becoming worthless.


4. Leaving civil servants irresponsible - and irremovable.

For decades, the depositors were required to fund the costs of institutions in charge of ensuring the stability and safety of the financial systems. These institutions have failed. Nevertheless, until today, no one has been fired.

Unfortunately, the G20 summit in April promised more of the same: the reform of the system is entrusted to the same institutions who have failed to correct the imbalances, fraudulent practices, and "irrational exuberance" when they appeared.

The International Monetary Fund (IMF) is given a strengthened mandate and additional resources to tackle the crisis. But IMF's massive brainpower has been powerless in the past, and some countries even declared it of little relevance only a few years ago. More to the point, even in cases when the IMF has correctly identified the appearance of a dangerous disequilibrium, its advice and warning have been ignored at best, treated with contempt at worst.

Already in its World Economic Outlook published in September 2005, ie., three years before the crisis, the IMF identified a major threat to the global financial system:

the swing in the saving-investment gap - from deficit to large surplus - in emerging Asia has resulted in an excess global supply of saving (a global saving “glut”) that has been channeled to the United States to finance its large current account imbalance.

In its typical roundabout style, the IMF wrote in the Outlook six months earlier (April 2005), about the same US current account imbalances:

Many observers, including IMF staff, have expressed concern that corrections to sustainable levels will likely require large exchange rate adjustments, especially against the U.S. dollar, with possibly disruptive effects on global financial markets and economic activity. In contrast, other observers are less concerned, arguing that a benign resolution of global imbalances is likely with today’s deep economic and financial integration.

And they were referring to studies mentioned already in September 2002. For more than six years, the US current deficit increased, warnings were given, and ignored. It is difficult to be hopeful today, and believe that the United States will in the future follow the IMF advice and accept to swallow the painful and bitter medicine prescribed.

Other countries less powerful than the United States have also ignored the IMF's prescription, and let their economies sink into spiraling deficits, either because oil revenues allowed them to be profligate (Venezuela) or because the regime's survival was more important than the well-being of the citizens (Zimbabwe, Argentina and countless others).

The G20 summit in April 2009 failed to say, in its final statement, how the IMF and other - still to be created - Financial Stability Councils - would be able to force governments - especially its major contributors - to accept prescriptions hitherto superbly ignored.


5. Plundering unborn generations

The political discourse in response to the reality of the greying of populations in Europe and Japan consists of three parts: hiding the problem, tinkering with existing systems, and robbing unborn children.

Hiding the problem consists of denying the reality that "Ponzi" schemes designed by Bismarck at the end of the 19th century (when life expectancy was so low and birth rates so high that the scheme did not cost a cent and was indeed profitable) faces bankruptcy with birth rates below replacement level, and life expectancy reaching well into the 80s.

When a small blimp appears in the birth rate (such as in France lately), clamors of victory are heard from politicians. Some have even speculated that, in Europe, France would soon be more populated than Germany (the latter declining faster). But the number of taxpayers born is still below the level needed to replace the dead ones. Furthermore, the so-called "revival" (or rather the slowing down of the demise) has to be put into perspective with other, more robust, birth rates in countries such as the DR of Congo, now the world's largest "francophone" country, and estimated to reach three times the size of France in 2050.

These trends in Europe and the pressures resulting from outside developments, have been known for years, but very few countries have acted to adjust their social security systems to the demographic realities. Continuing to promise retirement benefits without setting aside the vast resources needed to fund these future payments is not unlike criminal negligence (13).

Ant yet, funding retirement through private accounts could rehabilitate savings and find new roles for banks. Converting savings in rich but ageing economies into investments in countries desperate to find jobs for a young and growing population could also remove the incentive for the citizens of wretched countries to search for jobs in shrinking Europe.


6. Setting public rules for private rewards.

When taxpayers are forced to contribute to the rescue of private banks and companies, they become more sensitive to the rewards grabbed by managers who - by definition - have brought their companies to their desperate situation. Sometimes the governments have hastily produced regulations to forbid "excessive" remunerations in companies benefiting from the taxpayers' sacrifice.

While it is clear that nobody would deserve to be rewarded to ruin his company, the ceiling on bonuses on all companies is dangerously counterproductive, and has more damaging effects than positive results. If an excellent manager, with a proven track record, can demand a high remuneration in a healthy company, there would be no reason for him to accept to salvage a struggling state-supported enterprise for a fraction of the amount he estimates to be worth.

As a consequence, the companies supported by the state will only be able to attract the most mediocre of managers, those who will require the same salary, regardless of their results. This is a step toward collectivism, in the form applied in the former Soviet Union, with predictable results.

Rewards have to be tied to results, but, for governments used to rewarding the same way incompetent scroungers as well as hard-working and efficient geniuses, the principle of reward for result might be difficult to comprehend and implement.


7. Distorting the enterprises' legal and fiscal environment

The entire structure that has evolved around the legal fiction of joint stock companies needs reviewing, as it has been abused, to the detriment of the owners.

The reason for the fiction was to allow private persons to limit their responsibility in an endeavor, while sharing ownership and decision with others and group resources. For the outside world, the fiction of a legal person was created, able to contract, sue, hire, etc., with its liability limited to its capital.

From these simple beginnings, four developments have considerably altered the concept:

1)a company can become an empty shell, by repurchasing its own shares (some countries that were in the past forbidding this practice are now allowing it)

2)a company can purchase another by increasing the amount of its own capital, and paying the purchase with its own stock. Recent cases have shown that stockholders have little control on these operations, and a confused appreciation at best of the value of both companies. In the majority of cases, the total value of the new companies is lower than the value of its parts.

3)dividends are taxed, while the interests on loans and bonds are treated as expenses. This has introduced strong biases in favor of acquisitions through excessive financing.

4)the concept of owner/manager has disappeared, and a collusion will usually take place between directors and the largest shareholders (often themselves representing companies). Stockholders with smaller equity will be deprived of information and influence. Directors will be neither owners nor employees, and will promote their own interest against both parties.

Governments should address and redress the abuses of the fiction allowed by the law. A true reform of the enterprise's legal environment, and of the fiscal treatment of profit, should be implemented, either collectively, or, if not feasible, by one country leading by example.

Essentially, the reforms could include, for example:

1)the capital of a company should remain unchanged through one exercise;

2)the profits would be entirely distributed at the end of the exercise, with the possibility to subscribe to an increase in capital. Reinvested dividends would not be taxed. Distributed dividends would be taxed as income for the shareholders. There would be no company taxation in this case;

3)the repurchase by a company of its own stock would be forbidden;

4)the merger of two companies would require three separate steps: the liquidation of both, the redistribution of capital to existing shareholders, and the creation of a new company approved by all shareholders wishing to participate.


IV. Is there reason for optimism?

The haphazard solutions hastily cobbled up by individual governments will lead us necessarily to more state interventions, loss of freedom, increased taxation (or hyper-inflation) and distorted, inefficient economic systems. Injecting liquidity, capital and public funds in badly-managed banks does not improve governance, it just wastes more resources. Governments have promised to sell back their shareholdings in banks, but to whom and when? Governments hold shares and control in different banks, directing decisions and eliminating competition. Central banks have lowered their interest rates to the point where the demand should be limitless and the offer non-existent. When interest rate is zero, it should mean that you have to trust your borrower as much as yourself. Alas, today, trust has evaporated.

The cries from a wounded banking sector is, not surprisingly, for more self-regulation. There is no doubt that it is what Al Capone and his boys would have suggested to keep control of Chicago in the 1930s. In his article on ways to restore financial markets to health, the chief executive of a German Bank (14) suggested three solutions: "greater resilience via sophisticated market participants, as well as stronger market infrastructure and supra-national structures for the regulation and supervision of the global financial system." None of these addresses the main issue in the same article: illiquidity. And the fact that markets have contracted to the point of collapse has been due less to a problem of liquidity than to a complete breakdown of trust: central banks could flood the market with liquidity, trust will not be restored.

Europe could come out of this crisis with less government, better regulations, and more efficient financial systems. Or it could stagnate for several years, sink into a state-controlled economy, with punitive taxes, universal public support systems, and ultimately imitate the fate of the communist countries, ending up on the scrapheap of history. The choices to be made require administrations with courage and intelligence, willing to sacrifice themselves in the interest of their citizens' survival. The outlook is bleak indeed.

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notes :

1. Readers are invited to forward comments, critics and suggestions. E-mail: charlesdesmet at hotmail dot com .
2. Far from advocating yet another gigantic international organization, created from the top by grandiose inter-governmental gatherings, what is advocated here is the creation from the bottom up of a multilateral supervision agency without any of the tax-free perks and splendid isolation of current organizations.
3. By these a posteriori interventions, central banks and supervising authorities have moved from a "rule of law" to a system of ad-hoc (ie arbitrary) decisions.
4. Some, both in the central bankers' world and among bankers, will fiercely object to the return of a "rediscount window" at the central bank. To the first argument, the risks of inflation, it is answered that assets will have to be reimbursed at the latest when assets mature. To the second argument, the meddling of central banks in the banks' portfolios, it is answered that banks will remain free to apply for the facility. A relecture of Chapter VII of "Lombard Street" by Walter Bagehot (available on www.econlib.org) provides solid arguments by comparing one crisis without intervention of the central bank (where the system collapsed in a total breakdown of trust) and later crisis, when the Bank of England provided liquidity. But Bagehot correctly stresses that: "there is still a considerable evil. No one knows on what kind of securities the Bank of England will at such periods make the advances which it is necessary to make." This is precisely the core of the issue.
5. The French term for "tax haven" ("paradis fiscal") illustrates far better than the English wording the fact that, in fiscal terms, there can be "paradises" as well as "hells". It has always been the desire of those responsible for "fiscal hells" to eliminate "paradises".
6. Mladjan Dinkic, "Ekonomija destrukcije - Velika pljačka naroda, Belgrade 1995
7. "[W]hen everybody else wants to be more liquid, the banks for the same reasons will also wish to be more liquid and therefore supply less credit, [...] a general tendency in most forms of credit. These spontaneous fluctuations in the supply of money can be prevented only if somebody has the power to change deliberately the supply of some generally accepted medium of exchange in the opposite direction. This is a function which it has generally been found necessary to entrust to a single national institution, in the past the central banks. [I]f recurrent panics were to be avoided, a system which made extensive use of bank credit must rest on such a central agency.". F.A. Hayek, "The Constitution of Liberty", Routledge, 2005, pages 326-327.
8. Robert H. Frank and Ben S. Bernanke, Principles of Economics, 2nd edition, McGraw-Hill, New York, page 708
9. ibid., page 716
10. John M. Keynes, The General Theory of Employment, Interest and Money, Macmillan, 1964 (first published 1936), pages 167 and 222.
11. Ibid., page 193
12. F.A. Hayek, The Pure Theory of Capital, University of Chicago Press, Chicago, 1975, page 38
13. In this field also, the numerous IMF literature - and warnings - has received very little attention from the countries concerned. Quoting just from one study ("Public Pension Reform: A Primer" by Alain Jousten, IMF Working Papers, February 2007:
The resulting policy implications for assuring the viability of the system in the face of an aging process are equally easy to grasp. Though there is a myriad of ways that policymakers can react, all of these policies can be summarized to a simple observation of a need for benefit cuts to current and future retirees or contribution hikes for current and future workers. The most obvious, but politically rather unattractive, option would be to introduce explicit benefit cuts or contribution hikes to the system.
The emphasize (added) show that the interests of the governed and the governments are antithetical.
14. Josef Ackermann, "Lessons from a Crisis" in "The World in 2009", by The Economist, London.


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© Charles Desmet & Institut Hayek, 2009

vendredi 22 mai 2009

Le règne de la dette ou la vraie défaite du capitalisme



Écrit par Silvère Tajan, Institut Hayek
3 mai 2009

Nous nous éloignons du capitalisme comme moteur de croissance par l'accumulation de capital sain issu de l'épargne. Trop longtemps les libéraux ont concentré leurs critiques sur les entraves au marché libre (des critiques certes justifiées à des entraves bien réelles), comme aveugles à l'inexorable et lent abandon du socle capitalistique de l'économie au profit du règne de la dette, parfois séduits même par les sirènes d'un modèle de croissance fallacieuse soit disant tirée par la consommation. C'est ainsi qu'on a pu à tort encenser un modèle anglais, irlandais, ou à l'extrême islandais, dont la réalité de certaines avancées pourtant timides vers un marché plus libre semblait tirer une croissance exubérante, financée en réalité par la substitution de la dette au capital. Ce qu'ils avaient gagné d'une main en libéralisant leurs marchés, ils l'avaient sacrifié de l'autre en sabotant le pillier capitalistique de l'économie libérale.


Existe-t-il une forme de capitalisme sans capital ? On pouvait depuis longtemps déjà douter que nous vivions dans un monde dominé par ce que les Anglo-Saxons appellent le "free market capitalism", le capitalisme de marché libre, car les obstructions incessantes des gouvernements à la liberté du marché sont largement documentées. Mais nous sommes désormais en droit de nous demander si nous n'avons pas tout bonnement quitté la sphère du capitalisme tout court, tant la formation du capital semble devenue secondaire dans l'ordre économique moderne, et si la crise dans laquelle nous nous trouvons plongés n'est pas l'illustration ultime de cette lente dérive.

La frontière autrefois solide et étanche entre le capital et la dette semble s'être peu à peu estompée, devenue au cours des ans de plus en plus poreuse, jusqu'à voler en éclat au coeur même de la crise. Le capital, c'est cette part de la richesse produite que l'on va destiner non à être consommée, mais à démultiplier la productivité future du travail, de manière à produire beaucoup plus demain plutôt que de consommer un peu plus aujourd'hui : ce n'est pas simplement un facteur de croissance, c'est le facteur de la Croissance.

Quand le pêcheur attrape un petit poisson avec sa canne à pêche, il peut le garder pour son déjeuner (le consommer de suite), ou bien il peut décider de l'utiliser pour attraper un plus gros poisson pour son diner : ce petit poisson est alors une richesse produite (le pêcheur a travaillé pour le pêcher), qu'il ne va pas consommer, mais qu'il va combiner avec du travail (sa pêche de l'après midi) de manière à produire plus de richesses (le plus gros poisson attrapé pour le repas du soir). Ce petit poisson est du capital.

La source du capital est l'épargne : cette part de la richesse produite qu'on ne va pas consommer de suite. Pas d'épargne, pas de capital, pas de croissance.

La dette, c'est un peu la démarche inverse. C'est consommer aujourd'hui la richesse qu'on n'a pas, et remettre son financement à demain. Si quand on épargne on s'enrichit, quand on contracte une dette, on s'appauvrit. Ce n'est que bon sens.

Pour une entreprise, la dette et le capital ne sont pas la même chose. Le capital n'est pas remboursable. Il fait partie des fonds propres de la société. La dette, elle, est exigible. Elle devra être remboursée. Quand une société augmente son capital, sa solidité financière augmente : elle est plus riche de cet apport en capital, qu'elle n'aura jamais à rembourser. Quand une entreprise emprunte, en revanche, sa solidité financière se détériore : l'apport financier du prêt (l'argent qui rentre dans sa trésorerie) est contrebalancé par l'engagement de rembourser à échéance, et le bilan global est alourdi négativement par la charge de l'emprunt, c'est-à-dire son coût : le cumul des intérêts à verser. Bien sûr, si une entreprise emprunte, c'est qu'elle pense que l'usage qu'elle fera de cet argent lui rapportera plus que la charge des intérêts cumulés qu'elle devra verser. Le capital et la dette d'une entreprise sont deux choses tellement distinctes et opposées, que plus une société dispose de fonds propres (plus elle a de capital), plus elle peut se permettre d'emprunter. C'est la preuve évidente que le capital et la dette ne sont pas substituables. La raison en est simple : la capacité de remboursement de la dette en cas de pertes varie en fonction de l'importance du capital. Tant que la perte n'excède pas les fonds propres, les créanciers sont protégés. Autrement dit, plus une société dispose d'un capital important, plus elle peut faire face à un accident de parcours et une perte. A l'inverse, plus une société est endettée, plus elle risque de voir un accident de parcours lui être fatal car sa capacité à faire face aux engagements de sa dette sera obérée d'autant.

Pourquoi toutes ces considérations sur la dette et le capital ? Parce que les développements récents de l'actualité nous donnent autant d'exemples du manque de discernement entre ces deux notions pourtant bien différentes voire opposées. Et aucun exemple de ces errements n'est plus frappant que dans les plans de sauvetage mis en oeuvre par les Etats comme par les banques centrales pour sauver les banques sur ces 12 derniers mois.

Ainsi, le mercredi 7 janvier 2009, Nicolas Sarkozy annonçait une nouvelle rallonge de 10 milliards d'Euros pour aider les banques françaises dont le bilan attestait d'une très dangereuse exposition au surendettement : trop de dettes, pas assez de fonds propres. L'annonce de cette rallonge, moins d'un mois après la mise en oeuvre d'une première enveloppe équivalente, et après la multiplication des déclarations sur "l'exceptionnelle santé du système bancaire français", ne manquait pas de surprendre, notamment par les termes exacts employés par le Président de la République : "On leur prêtera des fonds propres pour qu'elles puissent prêter davantage". Le seul problème, c'est qu'on ne prête pas des fonds propres. Parce que les fonds propres sont constitués de capital, et que le capital n'est pas une dette. Par définition.

Alors, dette ? capital ? Les deux, mon général ! Par la magie du bon vouloir étatique, l'apport constitué par ces fonds d'Etats sera à la fois considéré dans les bilans comme des fonds propres (on parlera alors de "quasi fonds propres", pour la forme, mais on les comptabilisera bien comme du capital comptablement), mais restera bien une forme d'emprunt car exigible et rémunéré, au taux d'ailleurs exorbitant de 9%. Ces sommes étant exigibles et faisant courrir des intérêts, elles ne font donc qu'aggraver la santé financière des établissements concernés, mais on décrètera qu'on les comptabilisera comme du bon capital (qu'il n'est pas, d'ailleurs l'Etat ne reçoit pas d'action et les actionnaires existants ne sont pas dilués). Des gens croupissent en prison pour des manipulations moins abracadabrantesques sur les comptes d'Enron, mais on entend toujours réclamer à corps et à cris que l'Etat mette en place une plus sérieuse régulation, notamment dans la tenue des comptes des institutions financières...

Ce tour de passe-passe verbal et comptable a un autre avantage pour nos gouvernants : il permet de tenir un double discours absurde et antagoniste. Aux marchés on dit : "le capital des banques est renfloué, leur solidité renforcée". Aux électeurs on peut dire : "ce n'est pas un don, pas une aide, c'est un prêt". Ce serait même une bonne affaire pour le contribuable prétend Nicolas Sarkozy dans une émission de télévision : avec un peu de chance, le contribuable va même gagner de l'argent. La réalité est diamétralement opposée : la solidité des banques en question n'est pas renforcée mais au contraire détériorée, et le contribuable risque d'en être de sa poche. On a voulu créer une chimère : du bon capital qui resterait exigible et rémunérateur pour celui qui l'apporte. On aura accouché d'un monstre : un prêt non exigible et potentiellement non remboursable.

Et si je m'avance aussi vite sur le résultat prévisible de l'opération, c'est qu'elle n'est pas sans précédents, dont les bilans chiffrés commencent à transparaître. A peu près un an avant cet épisode francophone, le secteur bancaire américain était secoué par la même onde de choc, avec des symptômes équivalents : des banques sous capitalisées et surendettées, incapables de faire face à leurs échéances dans un contexte de défaut de plus en plus probable sur une (grande) partie de leurs créances. C'est à cette époque, il y a tout juste un an, en mars 2008, que la Réserve Fédérale américaine poussait dans un vent de panique la banque JP Morgan à racheter Bear Stearns. Mais malgré son aide au financement de l'opération, JP Morgan refusait de récupérer un portefeuille de créances pour le moins douteuses et d'une valeur faciale atteignant les 30 milliards de $. Qu'à cela ne tienne, la FED rachetait les 30 milliards de $ de créances. A cette époque, on put entendre le président de la Réserve Fédérale, Ben Bernanke, expliquer à qui voulait l'entendre que l'opération n'était pas un sauvetage direct ou indirect de la banque, mais une opération financière saine, et que non seulement la Réserve Fédérale ne perdrait pas d'argent dans l'opération, mais probablement pourrait en gagner. En quelque sorte, ils avaient fait une affaire, comme le contribuable français un an plus tard. Sous la pression d'une partie de la presse financière, et notamment Bloomberg, la FED vient de publier le résultat au 31 décembre dernier de cette fantastique oportunité d'investissement : une perte nette de 28% sur la valeur des prêts immobiliers commerciaux (dont la bulle vient à peine de commencer à éclater), et de 38% sur les prêts immobiliers résidentiels, pour un total de presque 7 milliards de $. Cela laisse à réfléchir sur les quelques 2000 milliards de $ de prêts consentis par la FED aux institutions financières, des prêts adossés sur des actifs probablement aussi douteux.

Depuis des décennies, nous nous éloignons inexorablement du modèle libéral fondé sur un capitalisme de marché libre, sur le marché libre comme outil le plus efficace d'allocation des ressources. Et nous nous éloignons du capitalisme comme moteur de croissance par l'accumulation de capital sain issu de l'épargne. Trop longtemps les libéraux ont concentré leurs critiques sur les entraves au marché libre (des critiques certes justifiées à des entraves bien réelles), comme aveugles à l'inexorable et lent abandon du socle capitalistique de l'économie au profit du règne de la dette, parfois séduits même par les sirènes d'un modèle de croissance fallacieuse soit disant tirée par la consommation. C'est ainsi qu'on a pu à tort encenser un modèle anglais, irlandais, ou à l'extrême islandais, dont la réalité de certaines avancées pourtant timides vers un marché plus libre semblait tirer une croissance exubérante, financée en réalité par la substitution de la dette au capital. Ce qu'ils avaient gagné d'une main en libéralisant leurs marchés, ils l'avaient sacrifié de l'autre en sabotant le pillier capitalistique de l'économie libérale.

Tant que nous n'aurons pas rejeté une fois pour toute le dogme erroné d'une croissance tirée par la consommation, tout effort de libéralisation des marchés restera vain. C'est un message qu'il faut porter haut et fort, avec fermeté et assurance, si l'on veut espérer que cette crise soit un jour reconnue pour ce qu'elle est réellement, une crise de l'interventionnisme des états et de l'excès de dette, et sûrement pas celle du capitalisme et du marché. Car si cette crise témoigne bien de la défaite du capitalisme, ce n'est pas parce qu'il faudrait lui en imputer les échecs actuels, mais au contraire parce que son abandon progressif il y a déjà bien des années, nous a conduit dans le marasme où nous sommes plongés.

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jeudi 21 mai 2009

La leçon de hasard du Pr Mandelbrot







Guy Sorman
18 mai 2009





Il existe deux sortes de hasards, m’explique Benoît Mandelbrot, le « hasard bénin » et le « hasard malin ». En anglais, il traduit par Mild Randomness et Wild Randomness : cela sonne mieux, dit-il, aux oreilles des Américains.

Cela fait bientôt cinquante ans que Mandelbrot a quitté l’Université française, pour enseigner les mathématiques, puis l’économie à Harvard et à Yale. Plus, trente ans passés au Centre de recherche d’IBM de Yorktown-New York : une carrière atypique et un personnage, à 86 ans, toujours surprenant.

La gloire scientifique de Mandelbrot connaît des hauts et des bas : en temps de crise, maintenant, dans son appartement de Cambridge, face à Boston, il est assiégé par les médias et les éditeurs (il rédige en ce moment ses Mémoires). Mandelbrot est, en effet, un rare homme de sciences à s’intéresser aux catastrophes, aux événements « monstrueux » tandis que la plupart cherchent dans la nature ce qui est régulier, répétitif, prévisible : ce hasard bénin que l’on peut réduire à des formules mathématiques prédictives. Le temps qu’il fera demain, par exemple . Ou la chute des objets .

Avant d’évoquer la crise financière présente, rappelons que Mandelbrot a surgi au firmament des mathématiques en 1974, avec la découverte des Fractales. En observant, entre autres phénomènes naturels, les côtes de Bretagne, Mandelbrot s’aperçut que leur contour, d’apparence chaotique, obéissait en fait à une forme géométrique, infiniment répétée, mais de plus en plus petite. Ceci vaut pour un flocon de neige ou… un chou-fleur. Derrière le désordre apparent de la nature règne donc un ordre descriptible ; en même temps, il devient impossible de mesurer les côtes de Bretagne puisque leur longueur dépend de l’échelle, proche ou lointaine, que l’on adopte. À la suite de Mandelbrot, on découvrit des fractales un peu partout, dans les turbulences de l’air, de l’eau ou du son : tout cela qui paraissait chaotique était en réalité fractal et pouvait donc être maîtrisé . La théorie de Mandelbrot réduisait - en certains lieux - le hasard malin à un hasard bénin. Mais – là tout se complique – ce qui est chaotique peut être fractal mais peut aussi ne pas l’être : sur le marché financier, par exemple.

Dès les années 1960, Mandelbrot a tenté – en vain – de trouver un ordre caché, et donc de la prévisibilité, dans l’avenir des prix – la volatilité – sur les marchés financiers. Partant de l’exemple du prix du coton à la Bourse de New York (parce que les données chiffrées existaient sur une longue période (« sans données, pas de science », rappelle Mandelbrot), il démontra que plus on cernait de près l’évolution des prix du coton, plus il était difficile de les prévoir. La volatilité des prix est une suite d’accidents, tous différents : pas de fractales ici.

Mais cette modestie scientifique de Mandelbrot n’a jamais satisfait les économistes : eux veulent des courbes en cloche, des algorithmes et des lois. Ce qui sur le marché de l’économie réelle se conçoit : on peut, aujourd’hui, avec suffisamment de précision, tracer une relation prévisible entre la quantité de monnaie émise par une banque centrale et les hausses de prix. On peut aussi prévoir la relation entre le niveau des salaires et l’évolution du chômage. Ou entre un monopole et les prix. Mais sur le marché financier, à la Bourse, cela ne se peut pas. Pas encore ? Jamais ? Mandelbrot penche pour « jamais ». Plus il étudie les variations des cours à la Bourse, plus il lui paraît que le Hasard sauvage, l’aléa total, le chaos sans normes constituent la loi fondamentale du marché financier.

Ceux qui sont en désaccord avec Mandelbrot , ils sont légions, n’en sont pas moins, depuis un siècle (le pionnier fut le mathématicien français Bachelier) à tracer des courbes de relation entre le temps et les prix : une martingale imparable pour les boursicoteurs , n'est-ce pas ! Hélas, Bachelier travaillait sur des données fausses. Il n’empêche que cette tentation de maîtriser le hasard persiste à base de formules toujours plus complexes comme la théorie de Scholes et de Merton qui leur a valu le prix Nobel d’économie en 1997. Il se trouve que tous les investisseurs qui ont appliqué cette célèbre méthode de Scholes et Merton, selon laquelle on ne pouvait jamais perdre, sont aujourd’hui ruinés. Ou leurs clients le sont. Où fut l’erreur ?

Le désir de dompter le hasard, et de s’enrichir, est telle, observe Mandelbrot, qu’il a conduit ces économistes à commettre deux péchés scientifiques majeurs. Ils ont construit leur modèle théorique a priori et ils n’ont retenu que les données qui entraient dans leur modèle : les aberrations étaient rejetées alors même que le marché financier est une succession d’aberrations.

L’autre erreur, classique, est de transporter une loi (il s’agit ici des Fractales) d’un domaine où elle opère vers un nouveau domaine où elle n’opère pas : ici, des turbulences naturelles où les Fractales s’appliquent, et là sur le marché financier où elles ne s’appliquent pas. Cette observation critique de Mandelbrot rappelle une autre erreur fameuse, celle de Karl Marx qui transposa à l’Histoire des sociétés, la théorie de l’évolution des espèces selon Darwin : Darwin protesta et obtint que Marx ne lui dédie pas Le Capital.

Les modèles financiers où on gagne à tout coup ont eu, dans le monde entier, ( juqu'en 2008 ) leurs années de gloire : les investisseurs appliquaient le modèle, les cours montaient, tout le monde s’enrichissait. Mandelbrot ne recevait plus aucune sollicitation, ni visite.

Mais ce n’était qu’une coïncidence. Il a suffi que les cours se retournent pour que le modèle s’avère, tout simplement, faux. Mandelbrot n’en est pas surpris. Il suffit, dit-il, d’observer les cours sur une longue période pour constater que les retournements de tendance imprévisibles sont, le plus souvent, sans aucune relation avec l’économie réelle (un exemple fameux: la crise boursière de 1987, surgie de nulle part, inexpliquée et inexplicable) . Les accidents inexpliqués sont une constante. La Bourse, dit Mandelbrot, est par définition un « endroit très dangereux », voué au Hasard sauvage.

Il n’empêche que certains y ont fait fortune? « Uniquement parce qu’ils ont eu de la chance », rétorque Mandelbrot. Le marché financier étant très accidenté, les probabilités d’y faire faillite sont statistiquement plus nombreuses que celles d’y faire fortune. Mais si on a la chance de se trouver du bon côté de la route, un accident peut aussi faire votre fortune. C’est ce qui est arrivé à George Soros en 1992 qui a gagné deux milliards de dollars en une journée, en jouant contre la Livre Britannique. Depuis lors, Soros gère sa fortune mais n’est jamais parvenu à répéter ce qui fut un coup de chance. Cette règle selon laquelle on ne fait fortune qu’une fois, Mandelbrot l’a vérifiée empiriquement : « Toutes les grandes fortunes sur les marchés financiers se sont toujours constituées en une seule journée, jamais par des investissements continus ». Dans la longue durée, on ne peut, dit Mandelbrot, qu’accompagner le marché, à la hausse ou à la baisse.

Mandelbrot, après avoir démoli toutes les théories existantes qui prétendent expliquer la volatilité des marchés, propose-t-il une théorie alternative ? Non. « Je dénonce les charlatans, dont les prévisions sont objectivement fausses, mais je n’ai pas, dit Mandelbrot, l’intention de devenir moi-même un charlatan de rechange ». La science, il est vrai, consiste aussi et exige d’abord (c’était la position du philosophe Karl Popper) de débusquer l’erreur : Mandebrot est dans la lignée de Karl Popper. « Ne comptez pas sur mes conseils, dit Mandelbrot, pour gagner de l’argent à la Bourse ; mais en attirant votre attention sur le Hasard sauvage qui détermine les prix, je vous éviterai peut-être de faire faillite ».

Après s’être entretenu avec Mandelbrot, on comprend mieux le désir de réglementation du marché qui s'est emparé des gouvernements et qui ferait passer la volatilité du Hasard malin (Wild) au hasard bénin (Mild) : mais on ne voit pas comment on pourrait y parvenir. Autant décréter qu’il fera beau tous les jours. Si on supprime le marché financier , par ricochet, on anéantit l’économie réelle. La récession présente est une illustration de l’économie réelle coupée du marché financier « sauvage » : sans risque , pas de croissance . Existe -t-il une voie moyenne qui préserverait le hasard sauvage tout en évitant la récession ? Le gouvernement américain aprés avoir été tenté de geler à l'excés la prise de risque , s'aventure sur un chemin nouveau : informer l' investisseur sur les risques qui'l prend mais ne pas l'empécher de prendre ces risques. Telle est la voie de la science et de la reprise économique.

Le monde à l'envers de John Maynard Keynes *




Par Mark Thornton
15 mai 2009

John Maynard Keynes usait souvent d’un langage fleuri, parlant par exemple d’« esprit animal » et du « piège de la liquidité » pour décrire ce qui échappait à sa compréhension. Il était, après tout, un bureaucrate plutôt qu’un économiste. On devrait en fait le décrire comme un anti-économiste puisqu’il évitait des concepts tels que l’offre et de la demande et soutenait l’idée que le gouvernement pouvait gérer l’économie.

Il ne comprenait pas, par exemple, pourquoi les gens investiraient dans des projets risqués qui susciteraient une croissance économique dans un contexte de plein emploi. C’est pourquoi il a substitué les « esprits animaux » à la recherche du profit comme raison d’agir. D’après lui, ces « esprits » permettent aux entrepreneurs d’aller de l’avant avec une confiance naïve, sans se soucier de la possibilité de pertes. De plus, un manque d’investissement serait lui aussi dû à un problème psychologique qu’il nommait le « piège de la liquidité ». Ce piège se manifeste quand les investisseurs cherchent d’abord à garder de l’argent comptant liquide et quand la politique monétaire – en termes de baisse de taux d’intérêts – n’arrive plus à faire augmenter les investissements.

Le problème avec Keynes est qu’il pensait que dans le cas où les entrepreneurs perdent collectivement leurs moyens, le gouvernement devrait socialiser l’investissement, soutenir la demande et assurer un retour au plein emploi dans l’économie. Il ne comprenait pas le fonctionnement de l’économie et ne pouvait donc pas comprendre comment l’économie se corrigerait lorsqu’une contraction se produit.

Ce qui nous place aujourd’hui dans le pétrin, c’est que Bush, Obama, Geithner et Summers suivent tous la partition de Keynes, avec le lauréat Nobel Paul Krugman comme chef d’orchestre. Si nous avions au contraire laissé le processus du libre marché fonctionner, l’économie aurait déjà touché le fond du baril, des compagnies comme AIG seraient en train d’émerger de la faillite et le taux de chômage serait en décroissance au lieu de monter en flèche.

Le processus du marché a été enfreint après seulement quelques mois de contraction économique et, au cours des 15 derniers mois, a été remplacé presque entièrement par l’intervention de l’État. Plusieurs de ces interventions ont été décrites comme du jamais vu, dans le sens qu’elles n’ont jamais été essayées. Ni les participants du marché, ni les stratèges n’ont d’expérience dans leur mise en oeuvre – et ça parait.

Cette série d’interventions a été adoptée de manière désordonnée. Plusieurs d’entre elles, telle que l’acquisition d’AIG, étaient totalement inattendues, ce qui a exacerbé la volatilité des marchés boursiers. De plus, elles ont été d’une ampleur sans précédent. L’argent « alloué » s’élève au total à plus de 12 billions $.

Ironiquement, en adoptant la position de Keynes voulant que nous ayons perdu nos « esprits animaux » et que nous soyons victimes du problème psychologique qu’est la peur, le gouvernement a procédé à des changements de politique extrêmes qui restreignent grandement la recherche du profit. Les entrepreneurs ne cherchent plus les opportunités de faire des profits. Au lieu de ça, ils sont plus portés à tenter de conserver leur capital ou à faire la queue pour bénéficier d’un plan de sauvetage.

Pour conserver son capital, on doit placer son argent dans des actifs sûrs comme des obligations gouvernementales, de l’argent comptant, des certificats de dépôt et de l’or. Les gens économisent davantage et diminuent leur niveau d’endettement afin de se protéger mais, du point de vue keynésien, nous sommes tombés dans le dangereux « piège de la liquidité ».

Pour Keynes, le « piège de la liquidité » se manifeste quand les consommateurs effrayés se mettent à épargner et à moins dépenser. Il soutenait que la baisse de la consommation aurait un effet négatif sur les entreprises, la production et l’emploi. Les revenus plus bas qui en résulteraient seraient donc la preuve que cette tentative d’épargner empire en réalité la situation économique.


Cette notion de piège de la liquidité concerne en fait l’accumulation de réserves et l’épargne. Bien qu’elle soit mal vue des économistes, l’accumulation de réserves (ou thésaurisation) est en réalité une très bonne chose. Habituellement, les gens n’accumulent pas de ressources de façon irrationnelle et sans raison; c’est simplement une façon de se protéger d’une situation dangereuse. Les dépressions, l’inflation, les guerres et autres calamités sont des raisons typiques qui expliquent ce comportement.

Non seulement l’augmentation de l’épargne aide-t-elle l’économie, mais la thésaurisation facilite le processus de déflation et la déflation aide à la reprise. Si les gens réduisent leur consommation (demande), alors les prix baissent, en particulier dans les premiers stades du processus de production. Au fur et à mesure que tous les types de ressources et de marchandises deviennent meilleur marché, y compris la main-d’oeuvre, le pouvoir d’achat de chaque dollar mis de côté augmente. Tous les prix qui ont été surenchéris pendant le boom, particulièrement les terrains, le capital et une variété d’actifs, sont restaurés à un niveau inférieur. Les dettes sont liquidées, l’épargne est rétablie et un retour à la prospérité se fait sentir d’abord chez les producteurs et ensuite chez les consommateurs. Ainsi donc, la thésaurisation accélère la déflation et la déflation accélère le processus de correction.

Les adeptes de la philosophie de Keynes ont peur de cette évolution car ils ne comprennent pas comment elle peut mener au plein emploi et à la croissance économique. J’ai donné à cette peur le nom d’apoplithorismosphobie. Joseph Salerno a démontré qu’il n’y a aucune base théorique à cette peur et Greg Kaza a démontré qu’elle n’a aucune base empirique non plus. Ironiquement, ce sont les politiques keynésiennes telles que les plans de sauvetage, les plans de relance et l’inflation que l’on devrait craindre, parce qu’elles menacent nos esprits animaux à la recherche du profit et nous emprisonnent dans le piège de la liquidité pendant des années.

La thésaurisation normalise éventuellement la plupart des bilans financiers mais, dans une économie dominée par les notions keynésiennes, ceci prend un temps extrêmement long. Pendant cette période, les gens deviennent méfiants envers le marché et l’investissement. Ils accumulent des réserves en permanence. C’est ce qui est arrivé aux Américains qui ont vécu la Grande Dépression. La frugalité et le sens de l’épargne, bien qu’étant des vertus admirables, sont devenus une sorte de blocage psychologique qu’ils ont traîné toute leur vie.

Les politiques keynésiennes ont entraîné des désastres tels que la Grande Dépression, la stagflation des années 1970 à 1982 et la période de croissance nulle qui a suivi l’éclatement de la bulle économique au Japon. Chaque période a duré plus d’une décennie. Il serait de loin préférable de laisser le processus de correction du marché se dérouler sans lui faire obstruction. Sans le filet de sécurité et les plans de sauvetage du gouvernement, il y aurait plus de thésaurisation, une déflation plus rapide, plus de faillites et un retour rapide à la prospérité. Même si la faillite semble être une expérience épouvantable, c’est en réalité un mécanisme permettant d’obtenir des résultats très sains et de manière ordonnée. Premièrement, elle corrige rapidement les bilans financiers. Les administrateurs et propriétaires responsables des décisions trop risquées sont facilement déplacés. Pas question de primes dans ce cas! Quelques entreprises cesseront carrément leurs opérations et leurs ressources seront vendues à l’enchère à prix très bas. Je présume que les douzaines de nouvelles entreprises innovantes qui tentent en ce moment de commercialiser des voitures électriques aimeraient bien avoir la chance d’acheter une usine au Michigan pour une fraction du prix initial. D’autres entreprises continueront leurs opérations et garderont la plupart de leurs employés, mais la faillite leur permettra de réduire leurs dettes et de renégocier leurs contrats et les ententes salariales.

L’environnement qui suit les faillites est peuplé de nouveaux propriétaires et opérateurs, moins endettés et ne souffrant pas d’un manque d’« esprits animaux ». Les entreprises auraient moins de dettes et donc une structure plus stable. Quelques consommateurs auraient de l’argent plein les poches, puisqu’ils l’auraient amassé, et auraient la chance de s’approvisionner à des prix plus bas. L’économie pourrait alors reprendre et rapidement atteindre le plein emploi et la croissance. Il est important de souligner qu’en s’abstenant de renflouer des entreprises faibles, on évite l’aléa moral qui fait croire aux entrepreneurs qu’ils seront de nouveau renfloués en cas de troubles financiers dans l’avenir.

Les keynésiens, ne comprenant pas le fonctionnement du marché, considèrent ce scénario comme étant fantaisiste. C’est en suivant les leçons de l’école autrichienne, soit de permettre la liquidation des sociétés en faillite et des dettes, laisser les prix diminuer sans inflation monétaire, ne pas maintenir artificiellement le niveau d’emploi ou subventionner le chômage, et ne pas décourager la thésaurisation, que l’on retrouvera le plus rapidement le chemin de la reprise et que l’on minimisera l’ampleur des souffrances économiques.

* Texte original par Mark Thornton, « The Upside-down World of John Maynard Keynes » publié sur le site de l'Institut Ludwig von Mises le 23 avril 2009 et traduit par Catherine LeBoeuf.