Nathalie Elgrably-Lévy
7 mai 2009
Le Journal de Montréal, p. 29
La guerre à la pauvreté est une lutte perpétuelle. Parmi les armes auxquelles nous avons recours figurent le salaire minimum dont nous applaudissons chaque hausse, et une multitude de projets communautaires visant à faciliter la vie des démunis.
En 2002, Québec a même voté une loi contre la pauvreté et l’exclusion sociale, comme s’il suffisait d’un décret pour régler le problème!
Mais ni le fait d’augmenter la paie des travailleurs du bas de l’échelle ni les bonnes intentions des politiciens n’ont permis de vaincre la pauvreté. On attribue cet échec à un salaire minimum trop faible, à un État qui n’en fait pas suffisamment. On présente souvent la pauvreté comme une fatalité. Or, si le destin est quelquefois en cause, elle est généralement la conséquence de mauvaises décisions.
Personne ne choisit d’être pauvre, certes. Mais quotidiennement, certains prennent des décisions qui compromettent leur avenir et qui réduisent leurs chances de mobilité sociale. Pour réellement lutter contre la pauvreté, ce sont ces gestes qu’il faut dénoncer et condamner.
Décrocher des études est l’une des pires décisions. Sans diplôme d’études secondaires et sans formation professionnelle, c’est la pauvreté quasi assurée. Les statistiques sont éloquentes: moins on est instruit, plus notre salaire est faible, plus notre emploi est précaire, et plus le nombre et la durée des épisodes de chômage augmentent.
Pour ne pas être pauvre, il faut donc rester à l’école le plus longtemps possible ou décrocher un diplôme professionnel dans un domaine en demande.
Évidemment, on déploie énormément de ressources pour contrer le fléau du décrochage, mais rien n‘y fait. On incrimine l’école, les professeurs, la taille des classes, la forme des bulletins, la matière enseignée, l’excès ou le manque de discipline, l’intégration ou la non intégration des élèves en difficultés dans les classes régulières, etc. Mais, malgré le verbiage entourant le décrochage, on oublie que la valorisation de l’éducation est aussi, et surtout, la responsabilité des parents.
Le jeune qui grandit dans une famille dans laquelle l’instruction n’est pas valorisée est un décrocheur potentiel. Les parents qui ne s’intéressent pas aux résultats scolaires de leurs enfants, qui n’encouragent pas l’effort, et qui méprisent les professeurs, viennent annuler tous les efforts déployés pour lutter contre le décrochage.
Que la société encourage les jeunes à rester à l’école, c’est bien. Mais quand allons-nous donc demander aux parents d’assumer leur rôle et d’inculquer à leurs enfants l’importance de l’éducation? Ne sont-ils pas les mieux placés pour leur faire comprendre que le décrochage n’est pas une option?
L’instruction et la formation ne sont pas suffisantes pour assurer notre indépendance financière, il faut aussi travailler! Certains sont tellement sélectifs qu’ils traversent de longues périodes sans emploi. D’autres sont partisans de la loi du moindre effort. C’est une erreur, car (1) l’expérience est toujours monnayable, et (2) les employeurs sont continuellement à la recherche de personnel qualifié et motivé.
On imagine mille et une manières pour lutter contre la pauvreté sans jamais s’attaquer à la racine du problème. La Loi contre la pauvreté fait 20 pages de mots creux et de jargon bureaucratique, mais les termes décrochage et décrocheurs sont absents. Pourtant, le seul moyen de se sortir de la pauvreté est d’aller à l’école, de ne pas décrocher ou de raccrocher rapidement, de trouver un emploi, n’importe quel emploi, et de ne pas compter ses efforts.
C’est un message qu’on entend peu dans une société où le gros bon sens semble obsolète, mais c’est la réalité!
Nathalie Elgrably-Lévy est économiste senior à l'Institut économique de Montréal.* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.
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