jeudi 26 février 2009

Crise Financière: Alan Greenspan est-il coupable ?




Écrit par Vincent Bénard, Institut Hayek
8 février 2009


Parmi les boucs émissaires de la crise financière que nous vivons figure en bonne place Alan Greenspan, que certains voudraient voir cloué au pilori. L'ancien Chairman de la FED est accusé d'avoir maintenu des taux directeurs trop bas entre 2001 et 2005, favorisant l'essor d'une bulle d'actifs concentrés sur l'immobilier, et d'avoir ainsi encouragé trop d'emprunteurs à s'engager dans une spirale spéculative fatale. Greenspan est assurément un des co-responsables de la situation, comme nous allons le voir, mais un co-responsable parmi bien d'autres. Lui attribuer la plus grande part de responsabilité dans la crise actuelle, comme le font beaucoup de commentateurs, est abusif.

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Lors de toute crise, la tentation est grande de rechercher une cause majeure ou un bouc émissaire idéal.

Il a été clairement établi en de nombreux articles que les causes de la crise ont été multiples et complexes, et ont d'une certaine façon rétroagi les unes sur les autres. Vouloir attribuer à une cause unique un poids prépondérant, et réduire les autres facteurs à des épiphénomènes connexes, est le plus sûr moyen de ne pas comprendre les ressorts profonds de la crise, et d'être incapable d'y apporter des réponses adéquates.

Parmi ces coupables de la crise financière que nous vivons, que certains voudraient voir cloué au pilori, figure en bonne place Alan Greenspan. L'ancien Chairman de la FED est accusé d'avoir maintenu des taux trop bas entre 2001 et 2005, favorisant l'essor d'une bulle d'actifs concentrés sur l'immobilier, et d'avoir ainsi encouragé trop d'emprunteurs à s'engager dans une spirale spéculative fatale. Greenspan est assurément un des co-responsables de la situation, comme nous allons le voir, mais selon moi, un co-responsable d'ordre secondaire. Lui attribuer la plus grande part de responsabilité dans la crise actuelle, comme le font beaucoup de commentateurs, est abusif.

Quelques petits détails qui ne collent pas... Il y a plusieurs éléments statistiques discordants avec la thèse de la prépondérance des politiques de la FED dans le déclenchement de la crise. Parmi les constats qui plaident en faveur d'une atténuation de la culpabilité de Greenspan, observons tout d'abord que la période de taux bas s'est étalée de novembre 2001 à fin 2004 (cf. figure 1). Notons d'ailleurs, qu'à l'époque, la plupart de ceux qui aujourd'hui pourfendent "Greenscam" louaient son audace à l'époque, et fustigeaient JC Trichet qui refusait d'aller aussi loin dans la surenchère de crédit facile... Comme quoi. Or, c'est à partir de 2004, alors que les taux de la FED augmentent, que l'origination de crédits douteux et le rachat massif de parts de MBS associés par Fannie Mae et Freddie Mac se sont emballés. Cela ne veut pas dire que ces politiques étaient marginales en 2001, mais c'est bien après que la remontée des taux ait commencé qu'elles ont atteint leur apogée. Voilà qui ne plaide pas pour une corrélation simple « taux -> bulle de crédit ».

Figure 1


D'autre part, l'étude historique des taux d'intérêts fixes à 15 et 30 ans effectivement offerts aux ménages américains montre que la moyenne a touché son minimum mi 2003 à 4,60 pour le 15 ans et 5,21 pour le 30 ans. Or, en France, les taux servis aux acheteurs finaux sont tombés plus bas (Par exemple: personnellement, fin 2004, on m'a proposé 4,3 fixe à 20 ans. Et parmi mes relations, certains sont tombés à 3,8 quelques mois plus tard), et ce alors que les taux de la BCE sont restés très supérieurs aux minimaux de la FED. (Cf. Figure 2 ci dessous, source) :


Figure 2. On peut regretter l'imprécision de la légende, mais apparemment, en recoupant avec les chiffres FNAIM, il s'agit bien d'un historique de taux fixes moyens.

Nous avons certes eu une bulle immobilière (le multiple médian du montant des transactions immobilières sur le revenu des ménages est passé de 2,9 à 4,8 au plus haut de la bulle), mais très peu d'augmentation du taux de défauts d'emprunteurs. Cela vient de ce que nos banques, prêtant non pas en fonction de la valeur du bien acquis, mais de la capacité à rembourser de leurs clients, ont pris moins de risques inconsidérés. Leurs problèmes actuels viennent de leur surexposition internationale à des produits dérivés de crédits à risques émis ailleurs, mais pas de leur propre politique d'émission de crédits. Les lecteurs peuvent se reporter à cette longue explication sur les différences entre le modèle américain ("éclaté") et le modèle français ("intégré") du crédit, pour une fois nettement à notre avantage.

Rappel du rôle de la distorsion foncière

L'explication fondée sur les erreurs prêtées à Alan Greenspan occulte totalement le rôle de la distorsion foncière, maintes fois analysé ici, dans le déclenchement de la crise: pour qu'une facilité de crédit soit sur-utilisée, il faut qu'un signal spéculatif fort soit envoyé aux agents économiques. Si le droit du sol de la dizaine d'états où la bulle a pris des proportions gigantesque avait été le même qu'au Texas ou à Atlanta, un tel signal n'aurait pas été envoyé, et la politique de taux bas de Greenspan n'aurait pas conduit à la formation d'une bulle immobilière, réduisant très fortement l'exposition globale du système financier au risque de mise en défaut. Toutefois, sachant que tant la France que la Grande Bretagne ou les états américains « bullaires » ont la même contrainte foncière réglementaire, qui favorise la hausse stratosphérique des prix par étranglement de l'offre neuve, nous pourrons négliger cet élément comme facteur de distorsion entre pays ayant connu la même bulle immobilière mais pas la même nature de crise bancaire. Intéressons nous donc à cette dernière.

La crise bancaire est d'abord celle d'un modèle de crédit dévoyé par l'état

Si la crise n'avait été qu'une simple question de taux d'intérêt servi aux emprunteurs finaux, alors notre situation aurait été pire que celle des américains. Ce n'est pas le cas: voilà qui plaide pour une prépondérance des faiblesses du modèle américain du crédit, façonné par trop d'interventions étatiques, comme cause majeure de la crise. Et nos constats précédents sur les taux et le calendrier d'origination de prêts soutenus par Fannie et Freddie abondent en ce sens. Le modèle américain du crédit, fondé sur l'extrême spécialisation des acteurs et une distorsion majeure de la perception des risques opérée par l'état, est visiblement bien plus important que la politique d'Alan Greenspan dans la genèse de la crise.

Cela veut il dire que l'on puisse exonérer Alan Greenspan de toute culpabilité ? Non.

De la difficulté d'intégrer l'immobilier dans l'indice des prix

Le taux directeur de la FED est fixé par un comité des sages présidé par A.Greenspan qui, pendant une décennie (90's), s'en est sagement tenu à une formule dite « formule de John Taylor », pas exempte de critiques mais relativement éprouvée, qui permet de moduler le taux en fonction d'un taux d'inflation cible recherché et de la variation de divers agrégats. Une étude du CATO insitute, conduite par Lawrence White, montre que Greenspan s'est écarté de cette formule entre 2002 et 2006, plaçant le taux directeur de la FED plus ou moins nettement en dessous du taux calculé par la formule pour une inflation "cible " de 4% (cf. Figure 3).


figure 3


Cela veut donc dire qu'il a de façon très agressive baissé les taux directeurs de la FED, et la création monétaire induite aurait dû provoquer une inflation supérieure à 4% pour la période considérée: ce ne fut pas le cas. Pourquoi ?

Parce que, comme l'explique Gerald O'Driscoll dans cette autre étude du CATO, il y a un problème fâcheux avec le taux d'inflation retenu par la FED.

Celui ci ne prend en compte que très imparfaitement la variation du prix de l'immobilier. D'ailleurs, il convient de noter que tous les pays du monde sont confrontés à ce problème, et cette étude de la banque de France (PDF) montre qu'il y a divergence de calcul entre différents pays. La difficulté provient de ce que l'immobilier est à la fois bien de consommation et bien d'investissement. Or, un indice des prix à la consommation ne doit tenir compte que de la part de « consommation » représentée par l'immobilier.

Aux USA, le prix retenu est celui du loyer de marché "équivalent" des biens acquis, c'est à dire le loyer fictif que paierait l'acquéreur s'il devait le louer. En France, selon l'INSEE, c'est également le loyer "de marché" des biens acquis qui sert de référence à la formule complexe déterminant .

Mais pour des raisons assez simple à comprendre, les loyers augmentent moins vite que la valeur de marché des logements lorsque celle ci est surgonflée par le trio "confiance + crédit bon marché + droit des sols castrateur" (Cf. loi de formation des bulles immobilières). En effet, lorsque les taux d'intérêts baissent, la mensualité de crédit payée par l'acheteur baisse en pourcentage du bien acquis, et donc le rendement locatif exigé par le loueur doit baisser en conséquence pour que la location conserve un intérêt du point de vue de l'occupant du logement.

Par conséquent, prendre en compte le loyer équivalent tend à sous-estimer l'augmentation du prix de l'immobilier dans l'indice des prix à la consommation.

Il en résulte que la hausse des prix immobiliers est considérée par les calculs des grands argentiers comme une "hausse d'actifs", et non une hausse des prix à la consommation (CPI, "consumer Price Index" aux USA). De fait, si une augmentation agressive de la quantité de monnaie en circulation se porte sur certains actifs plutôt que sur des produits de consommation, alors une « bulle d'actifs » peut se former sans que l'indice des prix à la consommation n'en soit affecté.

La faillite de la doctrine Greenspan

Une bulle d'actifs, surtout lorsqu'elle se forme à crédit, est porteuse de risque, comme la situation actuelle ne le démontre que trop cruellement. Or, la "doctrine Greenspan", plusieurs fois réaffirmée au début du millénaire, a consisté à manipuler les taux en ne tenant compte que de l'indice des prix à la consommation et en ignorant la possibilité d'une bulle d'actifs (Cf. O'Driscoll), sous prétexte qu'il se sentait incapable d'estimer si une augmentation de certains prix déconnectée du revenu des ménages constituait une bulle (maintenant, il sait !). Aussi n'a-t-il sciemment tenu compte que de l'indice des prix à la consommation dans la détermination de son taux directeur.

Par contre, il a réaffirmé qu'en cas d'éclatement constaté d'une bulle d'actifs, il pratiquerait une politique de taux bas agressive pour en atténuer les effets. Ce faisant, il a évidemment incité non pas les emprunteurs finaux à emprunter plus, comme nous l'avons vu plus haut, mais les intermédiaires (Fannie, Freddie, les banques et les mortgage brokers) qui vivaient du modèle éclaté du crédit à prendre plus de risques, pensant que la politique de la FED ne freinerait pas la hausse de la bulle immobilière, mais amortirait son éclatement. Tous ces acteurs de la crise doivent se rendre compte aujourd'hui de la vanité de la prétention des banquiers centraux de pouvoir réguler l'économie simplement en jouant sur un taux d'intérêt, formule de Taylor ou pas...

Si Greenspan avait considéré que le taux d'inflation retenu devait intégrer au moins en partie l'indice des prix immobiliers à l'achat, et non uniquement un "loyer équivalent", alors il aurait remonté son taux directeur bien plus tôt, sans doute dès la fin de 2002. Le dégonflement de la bulle se serait produit bien plus tôt, et donc serait parti de bien moins haut. Il y aurait sans doute eu crise, mais plus précoce, moins intense, et le montant de l'exposition totale au risque de défaut d'acteurs tels que Fannie et Freddie aurait été bien moindre.

Greenspan : "coupable, mais..." La crise financière est d'abord une faillite du modèle de crédit dominant aux USA, à la fois éclaté entre des acteurs non solidaires des risques liés aux prêts consentis, et où l'état, en accordant des garanties trop généreuses à certains agents majeurs du marché, a totalement distordu la perception des risques existants au sein de cette chaîne de production du crédit. La politique d'Alan Greenspan a sans aucun doute augmenté l'attirance pour le risque de ces acteurs, les conduisant vers des expositions excessives en regard de leurs niveaux de fonds propres. Mais elle n'a pas a proprement parler provoqué la crise. Juste accentué. Alors, coupable, Greenspan ? Oui, mais il a été un protagoniste défaillant parmi d'autres, pas le bouc émissaire idéal de la crise que nous vivons.
"...Condamné à se tromper"

Cela ne doit toutefois pas nous exonérer d'une réflexion de fond sur l'incapacité de nos experts, fussent-ils élevés au rang de gourous insurpassables, à piloter la masse monétaire de façon centralisée.

Peut on être à la fois expert du "contrôle" de la masse monétaire, de la finance bancaire, et du rôle des lois de zonage dans la formation de bulles immobilières ? Peut être, encore que de tels spécialistes doivent être très rares. Mais est-il si facile, pour un banquier central, d'intégrer dans sa réflexion un indice des prix immobilier lui même agrégat de dizaines de marchés différents, aux réglementations éparses, de comprendre pourquoi Cleveland, Atlanta et Los Angeles se comportent différemment, et d'en déduire le prix de l'argent adéquat ? Non, c'est impossible. La faillite de la doctrine Greenspan est la preuve vivante de l'impossibilité, décrite par Hayek, de déterminer de façon centralisée un niveau de prix d'un bien, en l'occurrence, ici, de la monnaie, alors que celui ci, s'il était fixé librement, serait fonction de millions de décisions individuelles liées à des conditions locales de marché très variables.

Greenspan était condamné à se tromper un jour, parce qu'aucun planificateur, confronté à des milliers de paramètres de marché, n'a jamais été capable de fixer le prix des choses par décision administrative. Alors coupable, oui, Greenspan l'est. Mais ce n'est pas l'homme qu'il faut blâmer en première instance, mais le système qu'il a personnifié.

© 2009 Vincent Benard, Institut Hayek - Egalement publié par l'Institut Turgot.

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mercredi 25 février 2009

Les avantages de la conquête de la Nouvelle-France par la Grande-Bretagne, selon Marcel Trudel



par Martin Masse*
15 février 2009

*Martin Masse est directeur du Québécois Libre.

Les conquêtes de territoires et de population par des armées sont l'une des tragédies les plus fréquentes de l'histoire humaine. Elles sont presque toujours motivées par l'appât du gain, le nationalisme intolérant et le désir de pouvoir et de gloire de parasites étatiques agresseurs. Elles provoquent toujours des pertes de vie et des destructions de biens. Elles entraînent bien souvent des conséquences négatives qui peuvent s'étendre sur des décennies et même des siècles et qu'il est impossible de prévoir.

D'un point de vue libertarien, utiliser la violence étatique pour imposer un nouveau régime politique à une population contre son gré est évidemment immoral. Même d'un point de vue utilitariste où l'on cherche présumément à venir en aide à une population, il est impossible de calculer les coûts et bénéfices à long terme qui découleront d'une intervention militaire. C'est pourquoi les libertariens conséquents se sont opposés à l'invasion de l'Irak par les États-Unis. Et aucun ne propose aujourd'hui d'envahir le Zimbabwe, Cuba, la Corée du Nord ou le Tibet pour libérer les populations de ces pays de dirigeants autoritaires. D'autres moyens moralement fondés et moins risqués existent pour atteindre ces objectifs.

Lorsqu'on parle de la conquête de la Nouvelle-France par la Grande-Bretagne, les principes sont les mêmes. Les Anglais étaient des impérialistes qui n'avaient aucune légitimité morale à imposer leur domination ici, même si ce genre de pratique était plus universellement considéré comme normal à l'époque. (Cela dit, on ne parle pas d'une conquête du style des nazis envahissant la Belgique. Des débats étonnamment pluralistes ont eu lieu à Londres, autant au sein du gouvernement que dans la presse, pour savoir si l'on devait ou non garder la colonie, et ensuite sur la façon de l'administrer. Voir à ce sujet Philip Lawson, The Imperial Challenge. Quebec and Britain in the Age of the American Revolution, 1989.)

Sauf que nous ne sommes pas dans la situation de Canadiens de 1759 ayant à décider si nous voulons ou non nous faire envahir et occuper par une puissance étrangère, avec toute l'incertitude que cela implique; mais dans celle de Québécois qui cherchent à analyser 250 ans plus tard ce qui s'est passé. Les conséquences de la Conquête sont connues. On peut alors se poser la question: la conquête a-t-elle vraiment été une catastrophe sur tous les plans pour les Canadiens français, ou a-t-elle eu au contraire aussi des conséquences positives?

Qu'on s'oppose par principe au phénomène de conquête ne signifie pas qu'il ne s'ensuivra nécessairement que des conséquences négatives. Une conquête signifie essentiellement le remplacement d'un parasite étatique par un autre. En tant que libertariens, nous avons peu de sympathie pour les parasites étatiques, qu'ils soient ou non de la même nationalité que nous. Nous leur accordons une « valeur » (ou plutôt, la valeur négative que nous leur accordons diminue) dans la mesure où ils nous exploitent le moins possible. Il est théoriquement tout à fait possible qu'un parasite conquérant soit moins exploiteur qu'un parasite national.

Au contraire des nationalistes, pour qui l'État est l'incarnation de la « volonté collective nationale » et qui considèrent comme une catastrophe en soi une domination étrangère, quelles que soient ses formes concrètes, des libertariens doivent donc se demander: Ce nouveau parasite étatique a-t-il accordé plus de liberté à nos ancêtres et prédécesseurs sur ce territoire que le parasite précédent? Leur a-t-il permis de mieux s'épanouir et se développer? Les réponses à ces questions sont nécessairement plus nuancées que celles qu'inspire une perspective nationalo-étatiste.

L'historien iconoclaste Marcel Trudel a consacré deux chapitres aux conséquences bénéfiques pour les Canadiens de la conquête britannique dans le premier tome de ses Mythes et réalités dans l'histoire du Québec, un recueil paru en 2001. Voici ce qu'il écrit sur quelques-uns des sujets abordés dans « Les surprises du Régime militaire, 1759-1764 » et « La Conquête de 1760 a eu aussi ses avantages ».

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Le commerce

Dans le domaine du commerce, le Régime militaire innove, aussi à l'avantage des Canadiens, par une mesure capitale: il abolit ces monopoles qui, dans quasi tous les secteurs, réservaient les opérations commerciales à tel ou tel individu ou à des groupes. Le commerce devient ouvert à tout un chacun qui est en mesure de le pratiquer; c'est le cas, en particulier, dans celui de la fourrure à l'intérieur ou à l'extérieur de l'habitat laurentien. Les « congés de traite », ces permis exclusifs accordés à des entrepreneurs ou à des communautés religieuses pour des lieux déterminés (par exemple, dans les Grands Lacs), sont donc désormais supprimés. Liberté générale aux entrepreneurs, avec cette seule exigence, l'obtention (et elle est gratuite) d'un passeport pour sortir des limites de l'habitat. (p. 200-201)

Autre aspect positif: cette ouverture que la société canadienne obtient tout à coup sur le monde. Jusqu'en 1760, par la politique de la métropole française, voici un petit agglomérat de quelque 70 000 ou 80 000 habitants qui vit isolé sur un continent, où sont déjà établis plus d'un million d'anglophones, mais avec qui il est interdit d'avoir des relations de commerce: celles-ci ne peuvent se pratiquer qu'avec les Antilles française, par-delà le monde anglophone, et avec la métropole de l'autre côté de l'Atlantique, à deux ou trois mois de voyage. Et encore ces relations avec les Antilles et avec la France sont- elles limitées à la courte période de la navigation fluviale: jusqu'en 1760, le Canada demeurait coupé du monde extérieur pendant la moitié de l'année. Désormais, l'accès aux colonies anglaises, en particulier par la voie du New-York, met fin, hiver comme été, à cet isolement. (p. 217)

La finance

La Conquête assure une plus grande liberté dans l'exploitation du « bas de laine », en permettant une opération qu'interdisait une loi de l'Église: le prêt à intérêt. Même à un taux modique, il était assimilé à l'usure et, par conséquent, défendu (...). (p. 222)

La propriété foncière

La société canadienne n'avait qu'une façon de détenir la terre: celle du régime seigneurial, toute terre relevant d'un seigneur qui en concède des parcelles à des colons, et ceux-ci n'en deviennent pas, à proprement parler, propriétaires, puisqu'ils doivent à perpétuité acquitter chaque année cens et rentes au bénéfice du seigneur, en retour de services que celui-ci doit leur assurer; ils ne sont que concessionnaires. Le gouvernement anglais va introduire une deuxième façon de détenir la terre: au-delà des limites du peuplement seigneurial, le franc et commun socage, en vertu duquel les titulaires du lot qui a été accordé ne se voient pas imposer les devoirs contraignants du régime seigneurial et deviennent les véritables propriétaires de la terre qu'ils ont défrichée. (p. 223)

Le service militaire Autre surprise de l'occupation: un service militaire facultatif et lucratif. Depuis la création d'une militaire régulière en 1669, tout Canadien de 16 à 60 ans devait servir en temps de guerre; il fournissait nourriture, armes et habillement; et il ne touchait aucune solde. Or, voici qu'en 1763, à l'occasion du soulèvement d'Amérindiens dans les Grands Lacs, les autorités anglaises désirent recourir au soutien de la milice canadienne. Les conditions qu'elles offrent sont toutes nouvelles: le service est volontaire, le milicien sera armé, nourri et habillé; au moment de son inscription, il touchera un montant d'argent et on l'assure ensuite d'une solde quotidienne. Conditions tellement hors de l'ordinaire pour les Canadiens, incrédules et redoutant un piège, qu'ils hésitent à s'enrôler, au grand étonnement des recruteurs. (p. 202-203)

Les lois civiles

Officiellement, le nouveau Régime tend à supprimer les lois civiles françaises, c'est-à-dire le recours à la Coutume de Paris, mais d'une façon officielle seulement: on se rend bien compte que cette Coutume qui gère en tout la vie quotidienne des Canadiens (pardon, des Québécois) demeure incontournable. D'ailleurs, les instructions adressées au gouverneur se contentent de recommander que les lois soient « autant que possible » conformes à celles de l'Angleterre, ce qui laisse une marge de manoeuvre; les Canadiens vont en profiter. La Coutume de Paris, sous le nom de « lois du Canada », va jouir d'un régime de tolérance, en attendant la reconnaissance officielle de 1774. (p. 206)

Les lois criminelles

Quant aux lois criminelles anglaises, elles s'appliquent dès 1764, à l'avantage de la population, y compris les honnêtes gens que l'on pouvait soupçonner à tort de crimes. Selon, en effet, le droit criminel en usage sous le Régime français, l'accusé était privé d'avocat, il avait la charge de prouver son innocence, sans toujours savoir dès le début de l'enquête ce qu'on lui reprochait ni quand il comparaîtrait devant le tribunal. En vertu du droit britannique, c'est à la Couronne de prouver la culpabilité; l'accusé, pourvu d'un avocat, sait exactement la nature de la faute qu'on lui reproche et il est assuré de comparaître rapidement devant son juge. Autre avantage de ce droit criminel: la torture n'existe plus. Au Canada comme en France, on pratiquait la « question ordinaire » au cours de laquelle on infligeait au prévenu divers tourments pour rendre son aveu plus détaillé; tourments suivis, en certains cas, de la « question extraordinaire »: elle pouvait aller jusqu'au bris des membres, afin de vaincre chez lui les dernières réticences à un aveu complet. Comme on l'a écrit, la torture interroge et la douleur répond. La Conquête nous délivre de cette justice criminelle. (p. 220-221)

Le serment du Test

Autre exigence officielle, mais encore ici, seulement officielle: le serment du Test. Dans le système anglais, pour accéder à une fonction publique, il fallait prêter ce serment, prouvant ainsi qu'on était anglican pratiquant. Exigence religieuse qui avait son équivalent sous le Régime français: tout fonctionnaire devait se soumettre à « l'information des vie, moeurs, âge compétent, conversation, religion catholique, apostolique et romaine »; (...). Le nouveau pour les Québécois était la démonstration d'anglicanisme. Or, les historiens n'ont pas toujours remarqué que le serment du Test était, en fait, composé de quatre serments: allégeance à la Couronne britannique, répudiation du prétendant Jacques II (de religion catholique), rejet de l'autorité papale et de la transsubstantiation dans le sacrifice de la messe. De ces quatre serments, un catholique pouvait aisément prêter les deux premiers; pour les autres, nous savons que dans la pratique, il y eut dispense pour rendre possible l'administration du pays. On eut donc recours, tout comme ci-devant, à des Québécois pour occuper la fonction publique. (p. 206-207)

L'administration

Avec la Conquête, cette colonie se retrouve, à son avantage, avec une administration simplifiée. La colonie française avait souffert de suradministration. D'une logique impeccable, la métropole française avait adopté la plus complète des structures administratives. À la tête de cette colonie de seulement quelque 70 000 ou 80 000 habitants, répartis sur 400 kilomètres le long du Saint-Laurent, nous trouvions un gouverneur-général, à qui il faut évidemment un lieutenant-gouverneur, un major et une garnison avec ses officiers. Parallèlement, on a mis en place un intendant qui administre la justice, la police (au sens d'« administration civile ») et les finances, avec personnel auxiliaire. Sous ces deux hauts fonctionnaires, un Conseil supérieur, qui a le rôle de Cour d'appel. Et comme l'entendant ne pouvait être partout à la fois, il est représenté à Montréal par un commissaire-ordonnateur, lui-même pourvu d'assistants.

Ce petit pays était en outre divisé en trois gouvernements: Québec, Trois-Rivières et Montréal, chacun d'eux ayant à sa tête un gouverneur, un lieutenant-gouverneur (à Québec, c'étaient le gouverneur-général et son lieutenant), un major et une garnison, un colonel de milice et ses officiers. Aux trois endroits, le titulaire du gouvernement était logé par l'État, selon les exigences de son rang. Chaque gouvernement avait ses services judiciaires: tribunal avec juge (celui-ci assisté d'un adjoint), procureur du roi, greffier et auxiliaires, dont les notaires; sans oublier les petites cours seigneuriales avec le personnel requis. (...)

L'organigramme de la fonction publique est ainsi une éblouissante construction, et tant pis pour les charges. Les autorités anglaises y font un « grand ménage » à compter de 1764: elles suppriment cette formule des trois gouvernements avec leur multiple hiérarchie, éliminant donc les gouvernements de Trois-Rivières et de Montréal, avec leurs fonctionnaires militaires ou civils; un Conseil dit « exécutif » remplace l'intendant et le Conseil supérieur; la justice seigneuriale disparaît. Subsiste une simple division: les districts de Québec et de Montréal. (p. 217-218)

L'imprimerie

Ajoutons à la liste des avantages de la Conquête deux éléments d'importance capitale dans une société: l'imprimerie et la gazette.

La colonie française existait depuis un siècle et demi, mais, malgré l'accroissement de la population, les demandes qu'on avait faites à la métropole et la présence permanente d'imprimeurs de profession dès le XVIIe siècle (les Sevestre, famille d'imprimeurs parisiens), la colonie n'a pas eu droit à l'imprimerie. Au Mexique, on imprimait des livres depuis 1540; au Massachusetts, depuis 1640; à Halifax, depuis 1752. En Nouvelle-France, il faut attendre l'arrivée à Québec en 1764 des imprimeurs américains Brown et Gilmore: ils font paraître en 1765 le premier livre imprimé au Canada, un Catéchisme.

C'est en même temps à ces imprimeurs Brown et Gilmore que l'on doit la première gazette, publiée en 1764, la Gazette de Québec, journal bilingue de 4 pages, soutenu par 143 abonnés. (p. 224-225)

La langue

Restait le français, dont nulle part depuis la Conquête on n'avait fait état, ni dans les traités de capitulation, ni dans le traité de 1763. Ni dans la loi de 1774. Parce que le français ne fait pas encore problème: il est toujours la langue internationale de communication, la Cour de Londres le pratique couramment, les hauts fonctionnaires anglais de la province de Québec sont bilingues, comme le sont les classes supérieures de la société. On n'a pas vu la nécessité de consacrer à la langue une clause particulière dans les traités. Le débat ne surviendra qu'à la prochaine génération. (p. 207)

* * *

On pourrait rajouter quelques autres thèmes, comme le retour du théâtre banni par le rigorisme religieux, le droit de se marier entre catholiques et protestants, et la diminution du grand nombre de jours de fêtes religieuses où il était interdit de travailler.

On ne peut dire avec certitude ce qui se serait passé si les Britanniques, après leur victoire, avaient remis la colonie au roi de France ou lui avait rapidement accordé une indépendance complète. Le Canada (à noter, pour ceux qui l'auraient oublié, que c'était le nom de la région de Nouvelle-France correspondant à la vallée du Saint-Laurent avant qu'elle devienne la « province of Quebec ») serait peut-être devenu une république offrant encore plus de liberté. Ou peut-être les Canadiens auraient-ils dû continuer à subir la domination puis les folies révolutionnaires françaises ainsi que les guerres napoléoniennes pendant plusieurs décennies. Ou peut-être se seraient-ils fondus dans le creuset anglo-américain. Comme la conquête de la Nouvelle-France a eu des répercussions directes sur la Révolution américaine, et que celle-ci en a eu sur la Révolution française, l'histoire aurait pu tourner très différemment si cette conquête ou la cession de la colonie par la France n'avaient pas eu lieu. On ne peut que spéculer.

Il est toutefois impossible de porter un jugement sur la domination britannique sans tenir compte de ces nombreux développements positifs par rapport à la situation précédente de domination française. La conquête a certes provoqué des morts, des destructions et des bouleversements économiques et sociaux. Mais elle a également entraîné des conséquences positives pour les Canadiens. On devrait, un quart de millénaire plus tard, la voir comme un événement constitutif de notre identité plutôt que comme un traumatisme qui reste toujours à surmonter. Le véritable combat à faire, c'est le combat contemporain contre l'État, à Québec et à Ottawa, qu'il soit contrôlé par les descendants des vainqueurs anglais, des vaincus français, ou par qui que ce soit.

Obama finds the Bush center




Jonah Goldberg
February 24, 2009




Here's something President Obama's biggest fans may need to hear: He's just not that into you.

Recall that during the primaries, Obama was probably second only to Dennis Kucinich as an anti-Iraq war and anti-Bush candidate. But he has kept President Bush's Defense secretary and appointed a secretary of State, Hillary Rodham Clinton, who voted for the war. His vice president, Joe Biden, also voted for the war. Obama himself seems to be in less of a hurry to leave Iraq than we might have expected from listening to him over the last couple of years.

The new president has ordered that his predecessor's rendition policies remain largely intact, even to the point of using the "state secrets" privilege to block a rendition lawsuit. Obama may have stated categorically that America "will not torture," but outsourcing it is still OK. 

The White House also defends the Bush policy of imprisoning, without trial, enemy combatants captured abroad. Obama's lawyers argued in a court case brought by Afghan prisoners at the U.S. Air Force base at Bagram, Afghanistan, that the "government adheres to its previously articulated position" -- the one articulated by those evil Bush lawyers.

Meanwhile, a new Pentagon study commissioned by Obama has found that the prison at Guantanamo Bay meets the standards of the Geneva Convention. One can only guess how the White House will make use of that finding. At the least, it should provide cover while the administration looks for alternatives to Gitmo that might not be all that alternative.

On the domestic front, Education Secretary Arne Duncan has decided that Bush's signature No Child Left Behind Act should be retained and moderately reformed. His boldest suggestion so far? "Let's rebrand it. Give it a new name." Now that's change even cynics can believe in.

In a rare instance of consistency between his campaign and his presidency, Obama is keeping Bush's Office of Faith-Based Initiatives, though he's renamed that one. 

There are many lessons one could draw from Obama's actions. You might conclude that the famous pragmatist recognizes that this is a center-right country after all. Or that he is a hypocrite, a statesman, or both, now that the buck stops with him.

You could say that this all shows that Bush's war-on-terrorism policies weren't nearly as outrageous as his opponents, Obama included, said they were. Some conservatives might argue that it demonstrates how centrist, even liberal, Bush's domestic policies were. Obama supporters might claim it proves that conservative fears that Obama was a crazy left-winger were always unfounded.

But how do Obama's biggest fans reconcile his contradictions? The slickest approach is to chalk up every about-face and inexplicable decision to Obama's abiding genius.

"Mr. Obama is like a championship chess player, always several moves ahead of friend and foe alike," explained New York Times columnist Bob Herbert. Translation: The One may move in mysterious ways, but that's no reason to doubt him.

Self-described conservatives who supported Obama in the election have made a similarly non-falsifiable argument about his qualifications (given that his record was patently unconservative): He simply has a superior presidential "temperament."

Such rationalizations reveal more continuity between Bush and Obama. Their biggest fans and foes seem driven by emotion rather than reason. We've seen this before. Bill Clinton moved his party to the right, but a lot of conservatives and liberals couldn't stomach acknowledging it. Bush was mostly a moderate Republican, but his liberal enemies hated him, and anything they hated had to be "right-wing." Even Republicans who admired Bush couldn't bring themselves to admit that the subject of their adoration might not in fact be a true-blue conservative.

Indeed, thanks in part to the lazy framing of the media and the pressure cooker of partisan Washington, conservatism became defined as Bushism, liberalism as not-Bushism, even though Bush had campaigned as a "different kind of Republican" and said over and over that "compassionate conservatism" was a sharp break with conventional conservatism.

It's early yet, but I think we're seeing with Obama what happened with Bush. The chess master is really just a man who's figuring it out as he goes along. Sometimes he'll be right; other times, horribly wrong. But whether he's right or wrong, left-wing or centrist, liberalism will likely mean whatever Barack Obama says it means.

lundi 23 février 2009

Obama en panne




Guy Sorman,
21 février 2009


Populaire, à l'aise, Obama donne le sentiment d'avoir toujours été Président des Etats Unis ; fait pour le rôle. Noir ? On a oublié : ce n'est même plus un débat.

Mais sa politique patauge. L' équipe est médiocre, un vice Président niais, une secrétaire d'Etat limite ridicule dans sa tournée asiatique , un secrétaire au Trésor bredouillant. Le seul acte jusqu'à présent a été le "stimulus" mais rien de plus facile et sans doute inutile que de dépenser l'argent public avec l'espoir que les Chinois continueront à acheter des Bons du Trésor US à 0%.

Le plus dur est à venir et pas défini. La guerre : en Irak, elle est de fait achevé, les Irakiens prennent le relais dans une démocratie relative et avec l'argent du pétrole. Bush a donc gagné sa guerre inutile.

Mais Kaboul? Pourquoi Obama a t-il repris à son compte la stratégie de Bush ( surge ) en expédiant là-bas 17000 soldats ? A quoi ressemblerait une victoire ou une non- défaite en Afghanistan qui n'a jamais connu de gouvernment central, n'a aucune notion de ce qu'est un Etat et n'a d'autre ressource que l'opium ? On aimerait qu'Obama explique cette "bonne guerre".

La panne économique enfin ou surtout .Les banques américaines sont affectées d'une dette toxique de 1,5 mille milliards de dérivés "garantis" par des credits hypothécaires. Dette peu solvable, supérieure à leur capital (1,3 mille milliards pour les seules banques US ) Donc ces banques sont en faillite virtuelle, le crédit est gelé : c'est ça la crise. La relance keynesienne a une ou deux guerres de retard et Obama's inc ne répond toujours pas à la question. Les Européens non plus mais nul n'attend que Mme Lagarde trouve une solution.

Sans doute Obama, en campagne, comme la quasi totalité des hommes politiques , devait dire " On gagne d'abord, on verra après". Mais après, c'est maintenant et l' administration démocrate se cherche encore, profondément impréparée à l'exercice du pouvoir.

Dans 18 mois, élections parlementaires aux US : Les Républicains qui refusent de s'associer aux hésitations d'Obama, pourraient gagner ( avec à leur tête, une nouvelle génération ) et restaurer une économie qui a fait ses preuves sous Reagan: monétarisme, destruction créative. Le capitalisme a encore un avenir.

mardi 17 février 2009

Subprime crisis : the overall picture



In many aspects, the current financial meltdown that brought many banks and insurers to insolvency may be compared to the nuclear meltdown that affected the Chernobyl power plant. And whatever Big Government pundits may tell us endlessly - without real in-depth arguments - inappropriate state intrusions in the economy are as much responsible for the financial crisis as poor state management of nuclear facilities by USSR was for the Chernobyl disaster.

If the mechanisms of the so-called “Chinese syndrome” can be described as a process of ignition, amplification, and then propagation of atomic reactions, likewise, the current crisis is a story of state interventions in the economy, that ignited, amplified, and then propagated the meltdown from its original core to the whole financial system.

Ignition

The main factor that ignited the current crisis is how politicians forced two state regulated enterprises, Fanny Mae and Freddie Mac , to refinance a growing part of unsecured loans to low and very low income families. In exchange, Fannie and Freddie were exempted from some accounting requirements generally expected from ordinary firms, allowing them to leverage too much credit compared to their equity, by an extensive use of off balance “special purpose vehicles.” All these operations were made under an implicit taxpayer provided safety net, as the statutory rules of the department of Housing and Urban Development made possible the nationalization of Fannie and Freddie in the case of bankruptcy.

These government provisions, coupled with a law mandating banks to find ways to originate loans to some high risk-profiled borrowers (the much discussed and controversial Community Reinvestment Act), reversed the usual prudential rules governing company CEOs: first, don’t fail, and then, make a profit. Due to their government backing, Fannie and Freddie only had to expand their volume of business, without too much consideration of the underlying risks. The purchase of so many bad loans by two state-backed giants encouraged reckless lending by banks and mortgage brokers to many risk-unaware families.

This behavior was greatly helped by Alan Greenspan’s decisions to lower and maintain very low interest rates in the early 2000s without consideration of the obvious asset bubble that was emerging in the housing sector. When credit is too cheap, borrowers tend to be less careful in their investments.

Amplification

But these facts do not explain by themselves how big the housing bubble has become. The average Joe, in the mortgage broker’s office, was not as unsophisticated as generally described. He could lose his common sense and succumb to easy credit only because the brokers could show him impressive Case-Schiller index curves, which seemed to show that any housing investment could gain more and more value every year, making the purchaser richer even while he was sleeping. Without this apparent housing inflation, many people wouldn’t have jumped so recklessly onto the easy credit bandwagon.

But this housing inflation did not occur everywhere in the country. Some of the most dynamic metro areas, in terms of population growth, haven’t experienced any housing bubble. Recent Nobel Prize Paul Krugman, supported by several research papers, notably from academics like Ed Glaeser or Wendell Cox, explained it by land use regulations : when these regulations are flexible and tend to be respectful of the property rights of the land owner, housing bubbles cannot even get started. But when regulations allow the existing real estate owners to prevent farmland holders to build the houses required to satisfy all housing needs, housing prices start skyrocketing.

Housing mortgage debt owed by families grew from 4.8 to 10.5 trillion USD (in french) from early 2000 to late 2007. But had every city in the USA had the same flexible land use regulations that they had in the fifties, and that still exist in fast growing areas like Houston or Atlanta, this exposure to risk would have been much lower, by 3 to 4 trillion. More borrowers would have qualified for the prime credit market and its less risky loans, since the lower price of the purchased homes would have resulted in better credit ratings. So, despite the bad lending practices mentioned above, the risk of a general collapse of the credit market would have been nearly equal to zero.

Propagation

At this point, we just explained the roots of a mortgage crisis. What is still missing is the way it has spread throughout the financial system. Once again, bad laws are to blame.

First, this crisis shows how risky the bank’s business model, grounded on low equity and very high leveraging ratios, has become unsound in these time of high volatility of some assets. Some will blame banks for this, but you should be aware that before the creation of the FED in 1913, most banks’ business models were based on equity levels over 60%: the shift from a high equity to a low equity model comes first from tax policies which have, in nearly every country of the world, severely taxed capital gains, but encouraged debt by deducting the interest payment from the corporate tax base. The second reason is that central banks, as “last recourse lenders,” usually with a state’s warranty, have themselves favored this shift to a highly leveraged model: borrowing money was de facto a cheaper resource than raising capital to finance operations.

But of course, this doesn’t explain how a 10% default risk on a credit niche market (the subprimes), totaling less than 10% of the total housing debt (12 trillion at the end of 2007), itself less than one fifth of the total assets being exchanged on American financial markets, generated such turmoil.

The culprits must be sought within a set of rules --- whose latest version is known as “Basel II” --- and their declinations in local laws in most countries, aimed at regulating the activities of banks or insurance companies. In some cases, poorly designed accounting rules may have contributed, too.

Basel II rules — and the like — mandate banks and insurers to hold a diversified portfolio of assets aimed at providing them the liquidities they need to face hard times: for a bank, a major loss of customers; for insurers, a series of major disasters. These rules were supposed to “protect” investors from reckless diversification policies. So institutional investors were mandated to own only high quality bonds, or to value some kinds of assets, like stocks, with a weighting that de facto prevented their securities from handling such assets directly.

But banks and insurers needed the yields of “lower quality” bonds, or even stocks, to remain attractive to private investors. Otherwise they wouldn’t have been able to beat the performance of state labeled bonds, and thus wouldn’t bring any added value to their customers, forcing them out of the market.

So the late 80’s and the 90’s saw the onset of a huge market of “derivatives,” all based on the following principle: lower quality assets (like subprime based securities bonds) are put together in another security, which itself sells new bonds sliced into several “tranches.” The first slice, the “z-tranch,” is a very risky one, which is aimed at bringing a higher yield to unregulated investors as hedge funds but must absorb primarily the first percentages of any losses of the security. Other tranches bear a lower risk but serve a lower yield. The “cushion effect” of the high risk tranch allows the lower tranch bonds to receive an AAA rating from rating agencies, particularly if they are covered against credit default by a special derivative called a “credit default swap,” allowing lender and borrowers to reinsure themselves against defaults on their bonds. And there can be other “derivatives of derivatives” involved in these designs. In many cases, institutions issuing AAA tranches guaranteed the payment of the corresponding bonds.

So the current situation is that many institutional investors do not hold many real stocks or bonds in their portfolios. They mostly hold a majority of derivatives.

But all this incredibly complex financial engineering not only is extremely costly, but has one perverse effect: while reducing the probability of AAA tranches to default, it actually makes the amount of the risk higher in the event that losses are high enough to impact the AAA tranches. And all these complex designs of derivatives make it increasingly difficult to understand where the risks are located in complex securities mixing prime mortgages, subprime mortgages, and other kinds of credits. So when an AAA tranch is impacted by higher than forecast losses, nobody really knows what is the resulting worth of the best tranch if it has to be sold. Is it 95% of the nominal? 60%? Nobody seems able to value these bonds reliably.

So when the mortgage debtors began to be insolvent in a higher proportion than usual, the losses on subprimes derivatives began to exceed the “cushion” effect of Z-tranches. AAA bonds were impacted. Some holders of these bonds, forced to sell off in panic in order to get cash, couldn’t find purchasers, except some highly speculative funds that toughly negotiated the price.

But then, because of inflexible accounting laws, all institutions holding the same kind of toxic assets had to write down the values of these assets in their balance sheets, even if their treasury level didn’t force them to proceed to a fire sale of these assets. So they might have been declared virtually insolvent even if actually they were not. This affected their ability to borrow on short term liquidities markets, and thus led some of them ultimately to file for bankruptcy.

If no regulatory limitations had been placed on the assets that banks and insurers could hold, it is likely that they would not have found the use of exotic derivatives so attractive, and that early difficulties in subprime credits would have resulted in clear signals prompting securities managers to recompose their portfolios. Some investors’ failures could have occurred earlier, but would not have reached such proportions.

Big Government is the culprit

So, at the root of every mechanism identified as a catalyst of the current crisis, we can find a bad federal or local regulation.

Does this mean that private institutions have no moral and technical responsibility in the current mess? Certainly not. They’ve deliberately chosen to take advantage of these poisonous regulations instead of fighting them, even though some of the underlying risks were clearly identified. Many of them ifnored warnings issued by economists like Nouriel Roubini, or atypical politicians like Ron Paul, and preferred to listen to reassuring assessments of the soundness of the system written by star economists like Joseph Stiglitz. People don’t like dream breakers.

Competition to overturn bad regulations doesn’t exonerate financial private institutions from having failed to do so properly. Whatever conditions are created by the states, firms must act wisely. Many of them obviously did not. But in the ranking of responsibilities, states’ inaccurate and inordinate regulations obviously rank highest. Had its diverse regulations and interventions focused on principles (honesty in contracts, no concealment of malpractice, full disclosure of operations, respect of property rights) and court litigation; had they let private individuals or enterprises decide what was good for them without trying to curb their behaviors in particular directions, none of the elements that allowed this crisis would have been in place.

Government’s economic interventions in human interactions once again have proved counterproductive and finally wrought havoc. This should make people very careful about government claims that new interventions are necessary to solve the crisis and avoid the next one!
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Vincent BENARD is the president of the "Institut hayek", a French speaking think tank based in France and Belgium - http://www.fahayek.org/ . French-savvy readers who enjoyed this article might be interessed in my 16 other articles (and counting) dealing with the subprime crisis; some of them also having been published by the Institut Hayek.

Thanks to Don Hank for the language corrections brought to my initial draft.----

lundi 16 février 2009

Pire que Madoff!




Nathalie Elgrably-Lévy
Le Journal de Montréal, p. 29
12 février 2009

L’affaire Madoff a soulevé l’indignation du monde entier, et avec raison, car l’infâme personnage est à l’origine d’une escroquerie évaluée à 50 milliards $US. Il promettait des rendements exceptionnels mais, en réalité, il opérait une chaîne de Ponzi, du nom de Charles Ponzi, un Américain immortalisé pour avoir escroqué des dizaines de milliers de personnes dans les années 1920.

Une chaine de Ponzi repose sur le principe pyramidal: la promesse de rendements supérieurs attire les premiers investisseurs, mais lorsque le fonds ne génère pas les rendements promis, on rémunère les premiers épargnants avec l'argent des nouveaux entrants. Tant que le nombre d’investisseurs augmente, la pyramide subsiste. En revanche, elle s’écroule dès qu’ils sont en nombre insuffisant pour financer les sorties de fonds.

Bien qu’on se joigne de plein gré à une chaine de Ponzi, et qu’on puisse librement la quitter, opérer une telle pyramide constitue un crime, et Madoff terminera ses jours là où il se doit, c’est-à-dire derrière les barreaux.

Toutefois, à l’instar du reste du Canada, nous avons au Québec une chaine de Ponzi parfaitement légale à côté de laquelle Madoff fait figure d’amateur. Il s’agit du Régime de Pension du Canada (RPC) et de la Régie des rentes du Québec (RRQ).

La RRQ administre un régime financé par répartition avec une capitalisation partielle. Concrètement, cela signifie que la rente versée à un retraité est indépendante de l’accumulation de ses cotisations et des intérêts. Au contraire, le régime est redistributif: les cotisations perçues aujourd’hui servent à payer les rentes des retraités actuels.

Certes, la RRQ, qui était sur le bord de l’implosion en 1999, a depuis constitué une réserve actuarielle. Mais pour cela, elle a augmenté le taux de cotisation de 3,6% en 1966, à 9,9%. Au 31 mars 2008, on estimait que la réserve actuarielle permettrait de tenir quarante ans. Or, les pertes considérables réalisées par la Caisse de dépôt, ainsi que le vieillissement accéléré de la population permettent d’affirmer que la réserve sera nulle beaucoup plus tôt que prévu, et que le régime est insoutenable à long terme, à moins d’augmenter significativement les cotisations et de réduire les prestations.

Les jeunes d’aujourd’hui, obligés de contribuer à la RRQ, croient donc de bonne foi qu’ils épargnent pour leur retraite. Or, le mode de fonctionnement du régime constitue une chaine de Ponzi. Et comme on estime que la province comptera 2 travailleurs pour un retraité en 2030, comparativement à 5 pour 1 en 2000, la base de la pyramide se rétrécit et le système court à sa perte.

On peut évidemment défendre l’importance d’inciter les gens à épargner. Mais est-il indispensable que l’État s’approprie notre avoir pour le faire soi-disant fructifier? Serait-ce trop demander que de pouvoir gérer nous-mêmes nos économies, et d’en disposer librement? Manifestement, nos politiciens, dans leur immense sagesse, nous jugent trop irresponsables et trop imbéciles pour nous accorder ce privilège!

Ainsi, pour «prendre soin» des Québécois, la RRQ nous oblige à contribuer à un fonds qui n’est pas pleinement capitalisé. Elle nous maintient captifs tout au long de notre vie professionnelle. Elle nous interdit de toucher à notre capital pour quelque raison que ce soit, et elle nous verse une rente sans rapport avec nos cotisations. Si ce n’est pas de l’escroquerie, ça lui ressemble drôlement! Espérons seulement que Québec n’imitera pas le gouvernement argentin qui a récemment poussé l’arnaque au point de nationaliser les caisses de retraite privées pour financer le régime public déficitaire!!!

mercredi 11 février 2009

Penalty




Guy Sorman
21 décembre 2008 à 11:31


Deux disciples de l'école du choix rationnel , fondée par Gary Becker à Chicago , viennent de publier une étude sur le comportement des gardiens de but confrontés à un penalty .

Dans 95% des cas, le goal s'avère incapable de bloquer le ballon . Or , dans la totalité des cas, le gardien de but plonge à droite ou à gauche avant même que le but ne soit tiré : une stratégie d'apparence incohérente . Pour améliorer ses chances , le goal devrait plutôt rester immobile et au centre du filet .

Pourquoi plonge-t-il ? C'est que sachant qu'il n'arrêtera pas le ballon, il joue pour ses supporters et le public : on lui reprocherait , immobile et au centre , de ne faire rien, de ne pas agir. Irrationnel au regard du jeu, le gardien de but est cohérent dans le regard du public.

Cette analyse est-elle juste ? Sans doute , certains ici souhaiteront la réfuter , prouver qu'elle est fausse : allez-y.

Et , ne serait-ce pas une métaphore pour tout gouvernement confronté à une crise économique ? Bondir avant que le but ne soit tiré est probablement inutile mais satisfait le désir d'action, chez les joueurs et le public : on appelle cela "la relance".

mardi 10 février 2009

The U.S. recession is not that miserable



By Alan Reynolds
Posted: February 10, 2009, 7:22 PM by NP Editor




‘misery index’ shows the U.S. looks better now than it did in earlier slowdowns


President Obama, writing in The Washington Post, said, “By now, it’s clear to everyone that we have inherited an economic crisis as deep and dire as any since the days of the Great Depression.” But how would we know if and when this crisis is really more “deep and dire” than others?

Many may believe we’re in the worst recession since the Great Depression, if only because politicians and the press keep repeating that claim. But we need to compare some facts to discern whether this recession is (or will be) “worse” in some sense than those of 1973-75 or 1981-82.Congressional Budget Office Director Douglas Elmendorf told the House Budget Committee that if the economy is still contracting by mid-year, then this recession will be longer than the 1981-82 and 1973-75 downturns, each of which lasted 16 months. Yet this recession was quite mild until last September. And the severity and human discomfort of downturns can’t be measured by their duration.

A wise adviser to President John F. Kennedy, Arthur Okun of Yale, devised the “misery index” to gauge the pain of economic crisis — a measure that simply adds together the unemployment rate and the inflation rate. It hit 22% in June, 1980, during an inflationary recession that preceded the Fed’s disinflationary squeeze of 1981-82. The misery index was nearly as bad in January, 1975, at 19.9%.

Assuming inflation was close to zero this January, the misery index would have been roughly the same as the unemployment rate, or 7.6%. By this standard, we have a very long way to go before the economy feels nearly as miserable as it did in 1975 or 1980.

There are several other ways to measure economic distress, however, some of which are shown in the nearby table. The first two columns show the total change in real GDP and industrial production from the economy’s peak to its trough for that cycle.

Current data show only what happened so far, of course. But that gives us some idea of how much further the economy would have to fall to end up as “deep and dire” as the recessions of 1973-75 or 1981-82.

An average of 55 forecasters in the Jan. 15 Wall Street Journal survey expect real GDP to fall by another percentage point (a 2.1% drop in total) before recovering in the third quarter. If they’re right, this would be just the third deepest postwar recession by that broad measure.

Measured by unemployment, on the other hand, this might well be the second deepest recession. The current unemployment rate of 7.6% is quite unlikely to reach the postwar record of 10.8%. But the Journal forecasters expect the jobless rate to top out at 8.9% after the recession is technically over — making this very close to becoming the second worst recession in terms of job loss.

In a 1999 Business Week column, Harvard economist Robert Barro suggested we should also improve the misery index by adding a long-term interest rate (and GDP). The table shows 30-year mortgage rates. By that measure, there’s no way we’ll come close to the sort of misery of past recessions — notably, the 18.45% mortgage rate of October, 1981.

With one exception — the steep 45% drop in the S&P 500 stock index since October, 2007 — few other indicators of economic distress could support this being the worst postwar recession. Thanks to low inflation, for example, real disposable income rose every month during the fourth quarter — at an annual rate above 6%.

President Obama needs to be a calming voice right now, a source of strength. It’s not helpful for him to be warning of a “catastrophe,” and making vague, untenable allusions to the Great Depression.

Recessions have almost always ended within a year or so, long before there was a Federal Reserve or Keynesian theory. Debts have to be worked down and excess inventories sold off so that profits, and therefore stock prices and wealth, can revive.

Such curative processes do not take years, as the President suggests — unless the government does too much foolish tinkering. But recovery will require more perspective and patience than we’ve been seeing from the White House lately, because time really does heal many economic wounds.


Financial Post Alan Reynolds is a senior fellow with the Cato Institute
and the author of Income and Wealth.

Making the worst of it



Kevin Libin, National Post
Published: Saturday, February 07, 2009


By the time President Franklin Delano Roosevelt addressed his nation in his first radio fireside chat one March evening in 1933, America's banking system was on the brink of collapse. A fifth of the country's financial institutions were out of business. Citizens, nervous about losing their savings, had started a run on the remaining banks' cash, preferring the safety of mattresses. Roosevelt, having ordered the banks closed, spoke to a rattled and frightened nation. There was, to be blunt, not much stirring in his words.

He explained the basics of how banks worked, why they needed cash deposits, why most remained sturdy and the plan to gradually reopen them. He concluded: "You people must have faith; you must not be stampeded by rumours or guesses. Let us unite in banishing fear. We have provided the machinery to restore our financial system, and it is up to you to support and make it work," he said. "Together, we cannot fail." When the first banks began to reopen the following day, thousands of clients were lined up outside, ready to redeposit their money. America was soothed.

We are told now, repeatedly, that we are in the teeth of the "worst" financial crisis since that time of Great Depression. And while the public understands vastly more about the financial system and its cycles, today's leaders -- egged on by around-the-clock media eager for high drama, buoyed by a society with a self-absorbed nature that seems to erase any context of longer-term troubles --have traded Roosevelt's cool reassurances and we'll-weather-this-too approach for dark forecasts of worst-case scenarios and panicky appeals. U. S. President Barack Obama warned this week that the U. S. economy could become a "catastrophe for families and businesses across the country."

He recently described this as "a crisis unlike any we have seen in our lifetime." Last week, our own Conservative government's Throne Speech insisted we are in "a time of unprecedented economic uncertainty." British Prime Minister Gordon Brown this week said the world was in a "depression" and days earlier, his treasury financial secretary warned that the U. K. could suffer worse than it did during even the war years, "facing some of the harshest economic conditions for decades, perhaps for a century."

If you're not hysterical yet, you must not be paying attention: Political leaders have clearly made it their task to convince you this is the absolute worst of economic times. So much so, that they have all taken to revising history and exaggerating today's troubles. The mystery is: why?
Because, these times are not "unprecedented." This is not unlike anything we've seen. Serious economists do not call this a "depression," or predict a return to bread lines, work camps and street urchins peddling apples on the streets. There will be no rationing, as there was in wartime London.

"That's bulls--t," says Chris Thornberg, a principal at Beacon Economics in California, one of the first economists to foresee America's housing meltdown in early 2007. "All the numbers we see right now are in line with what you would call a normal, bad recession. The increase in unemployment, the drop in payroll employment: this all looks like 1975. It looks like 1982. Not the Great Depression."

This is a hard time for many families, certainly. But outside, things look familiar: We wait in line at Starbucks; this past Christmas the average American shopper spent US$120 just on themselves. Wall Street managed to dole out US$18.4-billion in bonuses, despite 2008's annus horribilis. American economist Paul Krugman was left telling NBC's Hardball recently that "you've got luxury cars landing at the dock in Los Angeles and then just sitting there because no one could buy [them] ... this is functionally a lot like the Great Depression." Because Lexus sales are down.

Today's younger generations had been led to believe, in the face of an impending labour shortage and employers' clamouring for Web-savvy Facebook virtuosos, that the economy was their oyster offering so many rewarding, comfortable jobs up like pearls, suggests Lianne George, co-author of the recently released Ego- Boom: Why the World Really Does Revolve Around You.
"Well-intentioned attempts to make this generation feel good about itself have, in fact, left them poorly prepared to weather a tough economic storm," Ms. George recently wrote in Maclean's.
When even Google -- epitome of the last decade's blissful, dry-cleaning serviced workplace revolution -- began laying off, as it did in November, many younger workers' worlds surely quaked.

The tendency to frame this in historic terms must be a tempting one for anyone feeling betrayed by the sudden reappearance of long forgotten hardships. With seniors, their retirement funds ravaged, promising to hang on to their desk jobs many years longer than planned, and many starter homes purchased in the last few years worth less than their purchase price, this can only seem like a dustbowl to those accustomed to nothing but bumper crops.

We feel poorer, particularly in the U. S., because our largest asset -- our home -- has lost value. But unemployment rates today are lower than they were in recessions in the '70s and '80s. Projected to peak in the United States somewhere shy of 9%, jobless rates won't match the nearly 11% reached in 1981-82, let alone the peak of 25% during the Depression. Even after yesterday's ugly job loss numbers --129,000 layoffs in January -- Canada's 7.25% unemployment rate still hovers below the average rate over most of the past 30 years. And Dale Orr, managing director in Toronto at Global Insight, says that 2009 in Canada will still be mostly better than 1991. The International Monetary Fund expects U. S. GDP to shrink 0.7% this year; during the Depression, the U. S. economy was cut by a third.

"We don't have enough rhetoric of faith, the rhetoric of confidence," says Amos Kiewe, a professor specializing in presidential rhetoric at Syracuse University. "I wish they would induce more confidence."

There may be a number of reasons for the hyperbole. The most evident is the recent and current environment of heightened political partisanship. The full weight of the recession crashed over North America at a time of concurrent election campaigns in Canada and the United States, ensuring the economy would be the top issue. Politicians who seemed too serene-- recall John McCain's maligned "the fundamentals of our economy are strong" -- were torched by rival spin-doctors. As the Democrats noticed worsening economic news correlating to larger gains in support, the Obama team had motive to paint a worrisome picture.

"The fact that it was an election year forced Obama to be more negative," says John Huizinga, an economics professor at the University of Chicago.

The Democratic candidate even resorted to citing statistics that don't exist: Last summer, he said the "percentage of homes in foreclosure and late mortgage payments is the highest since the Great Depression."

Actually, there exist no foreclosure data that far back. No wonder that by December, a CNN poll showed six in 10 Americans convinced a depression was nigh.

Of course, we have never before had the influence of that 24-hour all-news network, and a parade of other channels and Web sites, to help us worry as we have this time, since the last major U. S. recession happened before the First Gulf War, and the birth of the "CNN Effect."

These are outlets hungry for high drama to fill their hours, notes Greg Elmer, a media studies professor at Ryerson University in Toronto, and are often moved to continually ask, 'how bad will it get?' as a way of keeping the story moving. It doesn't help that any journalist younger than 40 has never seen anything like this before, and may be willing to believe, therefore, that it resembles the Great Depression.

"I think it's a trope, it's a way to talk about any downturn in the economy," says Mr. Elmer. While the cynical say it's a way to sell more papers, more likely, he says, it's comparable to the habit of sticking the suffix "gate" on any government transgression, as though a rumoured sex-scandal like Troopergate was anything as serious as the felonious Watergate. Still, Alison Milward, a marketing manager at Business News Network says audience numbers have shown a "significant increase" as the economic news has soured.

That Mr. Obama hasn't let up is probably partly due to the fact that he has been battling Congress over the stimulus bill. The more urgent the situation seems, suggests Mr. Kiewe, the more pressure he can put on rivals to play ball. "If we don't pass this thing, it's Armageddon," hyperventilated one Democrat this week. Yet, careful observers note that the bulk of initiatives within the latest bundle of emergency measures won't create jobs --at least not anytime soon -- and that hundreds of billions are earmarked for expanding the federal government. That might suggest that the Obama administration sees advantage in exaggerating its urgency in order to smuggle through a number of otherwise unpopular policies. "You never want a crisis to go to waste," Mr. Obama's chief of staff, Rahm Emanuel said in November. "It's an opportunity to do things you couldn't do before."

The starkest transformation has come from our own Prime Minister who in October of last year was lambasted by opposition leaders, in the thick of a campaign, for offering optimism about the economy, telling the CBC's Peter Mansbridge that there was "probably some great buying opportunities emerging in the stock market as a consequence of all this panic." In fact, in that same month, U. S. investing sage Warren Buffett had said the very same thing. But Mr. Mansbridge was incredulous: "Do you really want to say that?" he checked.

Within two months, with the opposition threatening to topple his government, claiming the Prime Minister was insufficiently alarmed over the economy, and forced to justify the first impending federal deficit in over a decade, Mr. Harper was using the word "depression," adding "I've never seen such uncertainty.... I'm very worried about the Canadian economy."

Ever since Bill Clinton reached out to unemployed Americans in the 1992 election campaign, riding his "I feel your pain" empathy to the White House, politicians have been less focused on unflappable leadership and more anxious about seeming out-of-touch not only with the concerns of voters, but their feelings. "Instead of telling them what you think they need to hear, you tell them what they want to hear," says Mr. Kiewe.

Determined to out-empathize their political opponents, political leaders may have trapped themselves in a rhetorical cycle of Depressiongrade doom. That worries Mr. Kiewe: too much panic in the ranks could aggravate things, as businesses hesitate to invest and consumers get too scared to spend. Today's political leaders may find that, unlike Roosevelt's comforting words, the more they prophesize the economic end-of-days, the more likely they are to come true.

lundi 9 février 2009

Hara-kiri économique





Nathalie Elgrably-Lévy,
05 février 2009
Le Journal de Montréal, p. 29


En août dernier, alors que l'Obamania gagnait la planète entière, j'avais écrit que le candidat démocrate «ne propose rien d'original, seulement de vieilles théories socialistes». Évidemment, j'ai dû subir les foudres de ses admirateurs, tous prêts à faire brûler sur le bûcher quiconque tiendrait des propos blasphématoires sur les politiques de leur nouvelle idole.

Et lorsque Barack Obama a remporté la victoire, l'émotion a fait pleurer des millions de personnes qui voyaient en lui le début d'une ère nouvelle. On a été tellement aveuglé par ce qu'il symbolise qu'on a totalement ignoré son message.

Mais, en voulant fermer les frontières à certaines importations, Obama a prouvé qu'il n'est pas le révolutionnaire qu'on imaginait. Le protectionnisme, voyez-vous, n'est pas un concept novateur! Il est même tellement ancien qu'on pourrait le qualifier de «paléosocialisme».

Certes, reproduire des politiques efficaces peut être souhaitable. Or, ce n'est pas le cas des mesures protectionnistes. En 1930, soit au début de la Grande Dépression, le Congrès américain adopta la loi Smoot-Hawley afin de limiter les importations et de préserver des emplois. Ce fut un échec. Alors qu'il n'était que de 9% en 1930, le taux de chômage atteignit 16% l'année suivante, et 25% en en 1932! Aujourd'hui, les économistes s'entendent pour dire que le réflexe protectionniste du Président Hoover ainsi que le New Deal du Président Rosevelt ont aggravé et prolongé la dépression.

La xénophobie économique permet certes de protéger les travailleurs de certaines industries. En l'occurrence, ceux de l'acier sont incontestablement avantagés par la nouvelle clause «Buy American» proposée par les Démocrates. Mais que signifie cette mesure pour le reste de la population?

Entre autres, elle fera grimper le prix de l'acier aux États-Unis, entraînant ainsi une hausse du prix de tous les biens dont la production exige ce célèbre alliage, une baisse de la compétitivité de nombreuses entreprises, et une réduction du pouvoir d'achat de plus de 300 millions de consommateurs. Le protectionnisme n'est donc qu'une vulgaire arnaque qui permet à l'État de jouer au sauveur en faisant payer le gros prix à toute la population pour un privilège qu'il octroie à une minorité.

Évidemment, les Canadiens seront touchés par cette mesure et on laisse déjà planer la possibilité qu'ils aient recours à des mesures de représailles. Après tout, si l'Oncle Sam ne veut pas de notre acier, ne devrions-nous pas répliquer en réduisant à notre tour nos importations de produits américains?

Absolument pas! Réduire nos importations, c'est l'équivalent d'un embargo auto-infligé. C'est obliger les Canadiens à payer plus cher pour certains produits. Washington est libre de se faire un hara-kiri économique en instaurant des mesures protectionnistes. Mais ne serait-il pas absurde qu'Ottawa en fasse autant pour l'économie canadienne?

Souvenons-nous que, pendant la campagne présidentielle, Obama avait annoncé son intention de revoir l'ALENA. Aussitôt assermenté, il propose la clause «Buy American». Que le Sénat puisse diluer celle clause importe peu. La réalité est que notre principal partenaire commercial est devenu protectionniste! Aujourd'hui c'est l'acier. Et demain?

Nous devrions donc tirer des leçons des derniers jours et comprendre qu'il est malsain que 75% de nos exportations soient destinées au marché américain. Dans le contexte actuel, la diplomatie est inutile. Nous aurions plutôt intérêt à redoubler d'efforts pour conquérir de nouveaux marchés, et ainsi réduire notre dépendance face à l'économie américaine. Les États-Unis adoptent des politiques paléosocialistes qui les enfoncent dans le marasme économique. Ne les laissons pas nous entraîner dans leur chute!

Nathalie Elgrably-Lévy est
économiste senior à l'Institut
économique de Montréal.

* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.