jeudi 28 mai 2009

Gary Becker : un Prix Nobel en colère




01.05.2009 - André Gosselin

Les économistes, récipiendaires du prix Nobel, qui prennent la peine de participer au débat sur les moyens de traverser la récession et de revoir les politiques économiques ne sont pas légion.

Gary Becker, nobélisé en 1992 pour ses travaux en microéconomie des comportements humains, n'hésite pas à prendre la plume pour dire ce qui ne va pas.


Âgé de 78 ans, ce professeur de l'Université de Chicago n'est pourtant pas un spécialiste des cycles économiques, des marchés financiers ou des politiques gouvernementales et de leurs retombées. Qu'à cela ne tienne, Gary Becker juge que les gouvernements, partout dans le monde, font fausse route en pensant nous sortir de la récession avec des doses massives d'investissement public, des déficits budgétaires et une régulation étatique des marchés financiers et des industries en déroute comme l'automobile. Pour un tenant de l'école " néolibérale " de Chicago, élève et collègue du célèbre Milton Friedman, il n'y a là rien d'étonnant.

Dans tous les parlements d'Europe ou d'Amérique, comme dans les pages financières des grands quotidiens de la planète, on fait le procès du capitalisme trop libéral du dernier quart de siècle. On en appelle à une plus grande intervention de l'État dans l'économie, et parfois même à plus de protectionnisme, afin de protéger les emplois de " chez nous ". Et pourtant, dit Gary Becker, ce capitalisme nous a permis de faire croître le PIB mondial de 145 % entre 1980 et 2007, soit un taux annuel de 3,4 % environ. Même avec le scénario d'une dépression économique qui pourrait retrancher 10 % à la production mondiale entre 2008 et 2010, on en arrive à une croissance du PIB mondial de plus de 120 % sur 30 ans.

Les réformes libérales et les principes du capitalisme, que la Chine, l'Inde, la Russie, le Mexique ou le Brésil ont introduits dans leur pays, ont permis de sortir des centaines de millions de familles de la misère chronique. L'élimination de certaines barrières tarifaires et une plus grande souplesse dans les lois du travail et le commerce international ont aussi permis d'augmenter le revenu par habitant de la planète de près de 40 %, ce qui ne s'était pratiquement jamais vu dans toute l'histoire de l'humanité

Or, les États occidentaux sont en train de tuer la poule aux oeufs d'or en voulant nous sortir de la récession coûte que coûte. Selon Gary Becker, les interventions des gouvernements ont le grand défaut de créer encore plus d'incertitude et de risque dans une situation qui en contient déjà beaucoup. Les entreprises, les banques ou les ménages ne sauront plus comment investir, prêter ou dépenser, dans un contexte où les prix des biens et services fluctuent au gré des intrusions de l'État dans le champ économique.

Ainsi, les milliards de dollars que les gouvernements et les banques centrales injectent dans le système font craindre le pire quant à l'inflation. Dans un tel contexte, les banques sont de moins en moins tentées de prêter de l'argent aux entreprises ou aux particuliers, en sachant que cet argent pourrait valoir beaucoup moins dans deux, cinq ou dix ans.

Les réformes et les prises de participation que les États s'accordent dans le capital ou les actifs des banques feront également que la logique politique (la recherche de gains électoraux, la bureaucratisation des institutions financières par les fonctionnaires gouvernementaux, le lobbying des groupes de pression plus ou moins solvables pour avoir un plus grand accès au crédit bancaire, etc.) prendra le dessus sur la logique de marché et la responsabilité de chacun dans les contrats entre acteurs économiques. L'administration de Barack Obama, comme d'autres en Oc-cident (la France, notamment), veut jouer un plus grand rôle dans le fonctionnement de certaines industries telles l'automobile ou la pharmaceutique, ce qui n'a pas plus de sens aujourd'hui qu'autrefois.

Plusieurs acteurs économiques, des banques aux propriétaires de maisons en passant par les investisseurs, les entreprises de construction, les fonds de couverture et les compagnies d'assu-rance, ont perdu beaucoup d'argent dans la crise financière qui nous frappe. La plupart d'entre eux n'ont pas l'intention de répéter la même erreur la prochaine fois, et ils étaient disposés à corriger les gaffes commises. Mais voilà que l'État se mêle de les " aider ", de redéfinir les règles de responsabilité, avec pour résultat de prolonger la crise.

Les promesses faites par le gouvernement Obama d'aider les ménages aux prises avec une maison trop chère pour leurs moyens, et une hypothèque trop coûteuse sont le parfait exemple d'une politique qui n'incite pas certains acteurs à être plus raisonnables la prochaine fois. Et c'est sans compter les effets dévastateurs d'une telle politique sur le moral de ceux qui ont pris leur responsabilité en achetant une propriété à la me-sure de leurs moyens financiers. Ils voient leurs impôts servir à des programmes d'aide aux propriétaires irresponsables.

Durant le dernier quart de siècle, les politiques keynésiennes pour nous sortir d'une récession n'étaient plus à la mode chez les économistes universitaires. Leur échec, tant aux États-Unis qu'ailleurs dans le monde, était tellement flagrant qu'on a cessé de les étudier pour en connaître les vrais effets et pour les mesurer précisément. On ne sait pas grand chose, par exemple, du supposé effet multiplicateur des dépenses de l'État sur le PIB.

Les conseillers économiques du président Obama ont beau prétendre qu'un dollar dépensé par le gouvernement crée un dollar et demi de richesse écono-mique, au fond on n'en sait rien tant les études sont peu nombreuses sur la question. Si Gary Becker devait risquer une hypothèse, il dirait qu'un dollar dépensé par le gouvernement crée à peine 50 cents de richesse collective. À ce compte-là, on a de belles années de gaspillage de fonds publics devant nous. Et on n'est pas sortis du bois pour rembourser la dette et pour sortir de la crise.

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