Nathalie Elgrably-Levy
Le Journal de Montréal, p. 21
03 septembre 2009
Il y a eu la commission d’enquête sur le viaduc de la Concorde, la Commission de consultation sur les pratiques d’accommodements raisonnables, la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire, et celle sur les conditions de vie des aînés. À ces commissions s’ajoutent les groupes de travail qui ont produit les rapports Castonguay, Montmarquette et Gagné.
Maintenant, Jean Charest nous annonce son intention de tenir une «vaste consultation» sur les mesures à adopter pour revenir à l’équilibre budgétaire. Il ne nous a pas consultés lorsqu’un de ses FIER (Fonds d’intervention économique régional) a versé une généreuse subvention pour la construction d’un hôtel de luxe pour chiens. Il n’a pas cherché notre approbation avant d’accorder à Alcoa des tarifs d’électricité ridiculement bas, ni avant d’engager plus de 50 millions $ dans l’édification d’un nouveau Colisée à Québec. Quand il s’agit de dépenser notre argent, Québec s’estime capable de décider.
Mais maintenant que les finances publiques se détériorent dangereusement, notre premier ministre cherche conseil auprès de la population. En apparence, il veut que l’on fasse le travail qui incombe au ministère des Finances et qu’on lui souffle ce qu’un gouvernement responsable devrait faire. Mais en vérité, il espère par-dessus tout pouvoir éviter l’odieux des mesures impopulaires qu’il concocte en les attribuant aux travaux de la prochaine commission.
Entre autres mesures, il a déjà annoncé que des hausses de tarifs sont à prévoir. En soi, l’idée est défendable, car le principe de l’utilisateur-payeur permet de freiner la surconsommation et de réduire le gaspillage. Mais pour qu’une nouvelle tarification soit justifiable et équitable, elle doit s’accompagner d’une réduction équivalente des impôts. Après tout, l’État s’approprie chaque année une partie du fruit de notre travail pour financer divers programmes dont il s’enorgueillit. Une hausse de tarif sans allégement fiscal reviendrait à nous faire payer deux fois pour le même service. Certes, ce serait une bénédiction pour les finances publiques, mais pour les Québécois, ce serait tout simplement du vol manifeste!
Il a également affirmé souhaiter un retour à l’équilibre budgétaire. Quelle arrogance que de parler d’un «retour» à l’équilibre, alors que le déficit zéro n’a jamais existé, si ce n’est grâce à de douteuses contorsions comptables! Jean Charest ignore-t-il que nous ne sommes pas dupes, et que nous savons pertinemment que seule l’existence d’un déficit budgétaire récurrent permet d’expliquer l’augmentation constante de la dette du Québec?
Ne sait-il pas que nous sommes également conscients qu’un État interventionniste qui taxe et subventionne est condamné à enregistrer des déficits? C’est une conséquence normale, car plus on taxe un comportement, plus les gens tentent de l’éviter, ce qui réduit l’assiette fiscale. Parallèlement, plus on subventionne un comportement, plus les gens sont nombreux à l’adopter, ce qui accroît les dépenses. Un déficit n’est donc que la manifestation visible de l’intervention de l’État dans une société.
Dans un tel contexte, une réflexion sur les finances publiques est inutile, car s’attaquer au symptôme ne règle rien. Il faut remonter à la source du problème et amorcer un débat sérieux sur le rôle de l’État dans la société québécoise. Que veulent les Québécois? Un État omni-présent qui souffre de boulimie fiscale? Ou un État moins interventionniste qui fait la promotion de la responsabilité individuelle et qui encourage le travail et l’entrepreneurship? Seules ces questions méritent une «vaste consultation». Mais Québec ne s’aventurera jamais sur ce terrain. On ne pose pas les questions pour lesquelles on ne veut pas entendre la réponse!
Nathalie Elgrably-Lévy est économiste senior à l'Institut économique de Montréal.
* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.
Maintenant, Jean Charest nous annonce son intention de tenir une «vaste consultation» sur les mesures à adopter pour revenir à l’équilibre budgétaire. Il ne nous a pas consultés lorsqu’un de ses FIER (Fonds d’intervention économique régional) a versé une généreuse subvention pour la construction d’un hôtel de luxe pour chiens. Il n’a pas cherché notre approbation avant d’accorder à Alcoa des tarifs d’électricité ridiculement bas, ni avant d’engager plus de 50 millions $ dans l’édification d’un nouveau Colisée à Québec. Quand il s’agit de dépenser notre argent, Québec s’estime capable de décider.
Mais maintenant que les finances publiques se détériorent dangereusement, notre premier ministre cherche conseil auprès de la population. En apparence, il veut que l’on fasse le travail qui incombe au ministère des Finances et qu’on lui souffle ce qu’un gouvernement responsable devrait faire. Mais en vérité, il espère par-dessus tout pouvoir éviter l’odieux des mesures impopulaires qu’il concocte en les attribuant aux travaux de la prochaine commission.
Entre autres mesures, il a déjà annoncé que des hausses de tarifs sont à prévoir. En soi, l’idée est défendable, car le principe de l’utilisateur-payeur permet de freiner la surconsommation et de réduire le gaspillage. Mais pour qu’une nouvelle tarification soit justifiable et équitable, elle doit s’accompagner d’une réduction équivalente des impôts. Après tout, l’État s’approprie chaque année une partie du fruit de notre travail pour financer divers programmes dont il s’enorgueillit. Une hausse de tarif sans allégement fiscal reviendrait à nous faire payer deux fois pour le même service. Certes, ce serait une bénédiction pour les finances publiques, mais pour les Québécois, ce serait tout simplement du vol manifeste!
Il a également affirmé souhaiter un retour à l’équilibre budgétaire. Quelle arrogance que de parler d’un «retour» à l’équilibre, alors que le déficit zéro n’a jamais existé, si ce n’est grâce à de douteuses contorsions comptables! Jean Charest ignore-t-il que nous ne sommes pas dupes, et que nous savons pertinemment que seule l’existence d’un déficit budgétaire récurrent permet d’expliquer l’augmentation constante de la dette du Québec?
Ne sait-il pas que nous sommes également conscients qu’un État interventionniste qui taxe et subventionne est condamné à enregistrer des déficits? C’est une conséquence normale, car plus on taxe un comportement, plus les gens tentent de l’éviter, ce qui réduit l’assiette fiscale. Parallèlement, plus on subventionne un comportement, plus les gens sont nombreux à l’adopter, ce qui accroît les dépenses. Un déficit n’est donc que la manifestation visible de l’intervention de l’État dans une société.
Dans un tel contexte, une réflexion sur les finances publiques est inutile, car s’attaquer au symptôme ne règle rien. Il faut remonter à la source du problème et amorcer un débat sérieux sur le rôle de l’État dans la société québécoise. Que veulent les Québécois? Un État omni-présent qui souffre de boulimie fiscale? Ou un État moins interventionniste qui fait la promotion de la responsabilité individuelle et qui encourage le travail et l’entrepreneurship? Seules ces questions méritent une «vaste consultation». Mais Québec ne s’aventurera jamais sur ce terrain. On ne pose pas les questions pour lesquelles on ne veut pas entendre la réponse!
Nathalie Elgrably-Lévy est économiste senior à l'Institut économique de Montréal.
* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.
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