Nathalie Elgrably-Lévy
Le Journal de Montréal, p. 29
12 mars 2009
De plans de relance en plans de sauvetage, les gouvernements proposent des politiques concoctées par une poignée d’individus convaincus d’être capables de tirer les ficelles de l’économie. Ils dépensent des milliers de milliards de dollars dont ils ne disposent pas, ils s’endettent, impriment de l’argent, taxent, subventionnent, réglementent et contrôlent dans l’espoir de stimuler l’économie.
Toutefois, penser qu’il suffit de quelques mesures «anti-crise» pour relancer une économie moribonde revient à croire que l’État est omniscient et omnipotent, et que la planification centrale pave la voie vers la prospérité.
Or, une telle affirmation relève de la pensée magique. Pour le prouver, on pourrait citer la multitude d’études qui démontrent l’inefficacité de l’interventionnisme ou l’échec essuyé par les pays qui ont cru en l’État-providence. Mais dans ce domaine rien ne vaut l’éloquence, la pédagogie et l’humour d’un petit essai publié en 1958 sous la plume de Leonard Read et intitulé «I, Pencil» (Moi, le crayon).
L’auteur parvient à démontrer que personne au monde ne sait comment fabriquer le crayon à mine le plus ordinaire, soit le célèbre crayon au plomb enjolivé d’une peinture jaune et couronné d’une efface rose. Cela semble invraisemblable? C’est pourtant vrai! D’abord, il a fallu couper du bois. Or, pour cela il faut une scie. Pour fabriquer une scie, il faut du métal, qui nécessite à son tour l’extraction de minerai. Une fois le bois coupé, il faut l’acheminer vers une usine, d’où la nécessité de disposer de camions, de trains, etc. Ensuite, pour produire la mine, il faut extraire du graphite et le mélanger à de l’argile. L’efface, elle, est produite en faisant réagir de l’huile de colza avec du chlorure de souffre, en y ajoutant du caoutchouc et du sulfure de cadmium pour la couleur. Quant à la peinture jaune, au bout de métal, ou à l’inscription de la marque, leur production exige également les savoir-faire de plus de personnes que l’on n’en pourrait énumérer.
Pour produire un crayon, il faut colliger les connaissances et les habiletés de milliers de personnes disséminés à travers le monde. Ce qui est extraordinaire, c’est que cette symbiose apparait de manière naturelle et spontanée en réponse aux besoins humains. Surtout, ceci est possible en l’absence de planificateur central.
Si nos fonctionnaires sont incapables, par eux-mêmes, de fabriquer un simple crayon, pourquoi seraient-ils en mesure de gérer toute une économie? Comment peuvent-ils prétendre posséder suffisamment d’informations pour manipuler les millions de marchés alors qu’ils ignorent tout de la fabrication du plus banal des crayons? L’État se prend souvent pour un dieu, mais il n’est ni omniscient ni omnipotent. D’ailleurs, si l’être humain est passé de l’âge de pierre à civilisation moderne, c’est uniquement grâce à ses efforts, et non grâce à un planificateur central.
Cela signifie que pour sortir de la crise, nous ne devons compter que sur nous-mêmes. En chinois, le terme «crise» se dit weiji. «Wei» signifie danger, et «ji» indique une opportunité. Ainsi, une crise est une opportunité. Or, pour saisir les occasions qui se présentent, il ne faut ni être accroché aux mamelles de l’État ni s’en remettre à lui pour nous sauver d’une conjoncture difficile, ni se victimiser. Notre savoir-faire, notre ingénuité, notre talent, notre créativité et notre énergie contribuent davantage à la prospérité économique que le plus ambitieux des plans de relance. Si le Québec veut rapidement sortir de la crise, il doit cesser d’attendre que l’argent tombe du ciel. Il doit faire preuve d’imagination et d’esprit d’entreprise et, surtout, travailler fort!
Nathalie Elgrably-Lévy est économiste senior à l'Institut économique de Montréal.
* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.
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