Nathalie Elgrably
Le Journal de Montréal, p. 29
16 avril 2009
On apprenait lundi que le Trésor américain prépare la faillite de GM. La nouvelle attriste, choque et désole. Or, même si cela peut surprendre, le dépôt du bilan est très certainement la meilleure solution pour GM, pour les investisseurs, et pour les consommateurs, d'autant plus que les déboires de l'entreprise durent depuis plus 20 ans!
Pour plusieurs, une faillite équivaut à une sentence de mort, à une fin ultime. C'est vrai pour GM, mais l'est-ce également pour l'industrie automobile? La disparition de GM implique-elle que les Américains cesseront dorénavant d'acheter des voitures et qu'ils enfourcheront leurs vélos? Si leur amour pour l'automobile ne s'éteint pas avec GM, ne faudra-t-il que d'autres constructeurs prennent la relève pour répondre à la demande?
La faillite, c'est une manière de mettre fin à un modèle d'affaires insoutenable à long terme. Un tribunal reconnaît le fait que l'entreprise est incapable de payer ses dettes, procède à la liquidation de ses actifs, et rembourse ses créanciers dans la mesure du possible. Or, qui achèterait une usine de GM ou ses équipements si ce n'est pour construire des autos? Les emplois perdus chez GM seront donc remplacés par d'autres créés par les nouveaux propriétaires. Certes, les nouveaux emplois n'offriront pas des conditions aussi avantageuses que celles actuellement offertes par le géant américain. C'est normal puisque celles-ci sont en partie responsables du gouffre financier de l'entreprise, et que la faillite permet précisément de se libérer de telles ententes pour offrir des conditions qui assureront la pérennité de l'entreprise.
De plus, tant que GM est sous respirateur artificiel, des ressources précieuses et des capitaux servent à produire de manière inefficace des véhicules que les consommateurs trouvent médiocres. La faillite est avantageuse, car elle libère ces ressources qui peuvent ensuite être redirigées vers des productions plus appréciées et des entreprises plus innovatrices. Continuer à aider GM, c'est donc non seulement récompenser des dirigeants incapables de s'adapter à la demande, mais c'est aussi pénaliser des entrepreneurs brillants en les privant des ressources nécessaires à leur croissance et en leur imposant une concurrence aussi artificielle qu'inutile. Ainsi, la fermeture de GM permettrait, par exemple, aux capitaux et aux ressources de migrer vers Tesla, le constructeur de la Roadster, un véhicule entièrement électrique plus près des préoccupations du 21e siècle que les modèles proposés par GM.
L'Économiste Joseph Schumpeter emploie l'expression «destruction créatrice» pour décrire le procédé par lequel des entreprises innovantes se substituent à celles qui sont moins efficaces, ou dont le produit est simplement dépassé. C'est ainsi que le CD a remplacé le disque de vinyle et que les caméras numériques ont détrôné les légendaires Polaroïd. Aurait-il fallu subventionner les entreprises anachroniques pour les garder en vie?
Dans un monde en perpétuelles mutations, on s'acharne souvent à préserver le statu quo, comme si l'état actuel du monde était le meilleur possible. Mais nos efforts pour figer le passé nous font perdre de vue l'avenir. Dans le dossier de GM, ce n'est pas tant la faillite qui devrait nous choquer le plus, mais bien le fait que le constructeur prolonge son agonie en tardant à déposer son bilan. Le contribuable américain a déjà dépensé 13,4 milliards pour «sauver» le constructeur, et on se retrouve au même point qu'il y a quelques mois. Ce genre d'aide équivaut à de l'acharnement thérapeutique sur un malade cliniquement mort. Les intentions sous-jacentes sont certes louables, mais si le géant américain n'est plus de son temps, ne devrait-il pas laisser la place à d'autres?
Nathalie Elgrably-Lévy est économiste senior à l'Institut économique de Montréal.
* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.
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