mercredi 27 septembre 2017

La tricherie de Bombardier


On va se le dire tout de suite. Les participations que le gouvernement prend dans des entreprises privées ou publiques sont des subventions déguisées.

En comptabilité, il y a un principe généralement reconnu qui s'énonce ainsi : "La primauté de la substance économique sur la forme légale".

Or, si on se fie à ce principe, il est aisé d'en arriver à cette conclusion.

Lorsqu'il verse une subvention à une entreprise, le gouvernement n'attend pas un retour sur l'investissement (ROI) conventionnel. Ici, c'est évident parce que la subvention n'est ni un titre de propriété ni un titre de créance.

De plus, la subvention sera versée, dans la plupart des cas, en fonction de critères de qualification ayant tout à voir avec les objectifs du gouvernement/programme et rien à voir avec une quelconque notion de ROI.

En fait, hormis certains objectifs sociaux-économiques, le gouvernement n'a qu'un objectif en tête, la création d'emploi.

D'aucun me diront qu'il s'agit là du ROI pour le gouvernement. C'est sûrement le cas, mais ça ne change rien à l'affaire si on reprend mon assertion de départ: "Lorsqu'il verse une subvention à une entreprise, le gouvernement n'attend pas un retour sur l'investissement (ROI) CONVENTIONNEL"

La création d'emploi amène deux choses au gouvernement :

1- Plus de contribuables à taxer

2- Des votes

Or, Les objectifs de rentabilité des entreprises peuvent diverger fortement de ceux du gouvernement et ainsi induire des comportements d'entreprise pouvant nuire à sa rentabilité et, par conséquent, au ROI.

Les ententes commerciales mondiales sont généralement basées sur la prémisse que les entreprises veulent et doivent prioriser le ROI.

Les règles anti-dumping illustrent très bien cette affirmation.

Normalement, on n'aurait pas besoin d'inscrire ce type de clause dans ces ententes. En effet, une entreprise ne peut vivre longtemps en faisant du dumping. C'est contre nature. De façon très temporaire, ça peut permettre à une entreprise d'aller chercher de nouveaux clients ou de nouveaux marchés, mais c'est insoutenable à moyen ou long terme. Donc, pourquoi indroduire une clause anti-dumping si la stratégie est de toute évidence suicidaire à moyen ou long terme?

En fait, il y a principalement une situation où une entreprise peut faire du dumping indéfiniment sans mettre son existence en péril et c'est quand le gouvernement s'en mêle.

Pour atteindre son objectif de création d'emploi ou, tout simplement, pour ne pas perdre d'emplois, un gouvernement pourrait être fortement tenté de subventionner une entreprise boiteuse, non-compétitive ou non-rentable.

Les subventions sont très encadrées dans les ententes internationales car elles sont considérées comme une concurrence déloyale pour les entreprises qui n'en profitent pas.

Vous me direz sûrement que les subventions, ce n'est pas du dumping. Vous avez raison, toutefois, les subventions, qui sont déjà proscrites dans l'ALÉNA, peuvent permettre, en plus, à une entreprise de faire du dumping.

Certains pays rivalisent d'originalité pour camoufler les subventions qu'ils tiennent à donner à leurs entreprises. Droits de coupes dérisoires sur des terres de la couronne, financement à un prix dérisoire des acheteurs du produit vendu par les entreprises nationales, crédits d'impôts démesurés généralement reliés à la main d'oeuvre et prises de participation dans des entreprises nationales.

Évidemment, on m'objectera que la prise de participation n'a rien à voir avec une subvention. Sur la forme, c'est tout à fait vrai. Toutefois, pour ce qui est de la substance économique, c'est une toute autre histoire.

Premièrement, on n'a pas à fouiller très loin dans notre mémoire pour se rappeler quel était le but du gouvernement en avançant de l'argent à Bombardier. C'était évidemment la sauvegarde des emplois qui auraient disparues avec la faillite de l'entreprise.

Deuxièmement, l'argent a été "investie" dans une nouvelle société crée pour la C séries et dont la valeur ne justifiait jamais une telle somme.

Troisièmement, cet apport massif d'argent à permis à Bombardier de produire sa première commande ferme pour Delta Airlines et de la lui vendre à un prix dérisoire, ce qui constitue du dumping.

Dernier point, mais non le moindre, finalité de la prise de participation n'a jamais été le ROI, mais bien, la conservation d'emplois, uniquement.

Au Canada, 90% du capital de risque disponible pour l'investissement dans les entreprises, se trouve entre les mains des divers gouvernements et de leurs multiples tentacules.

Si vous parlez à des VC, ils vous diront tous que c'est un réel problème, justement parce que les gouvernements se fichent éperdument du Return on investment (ROI) et parce qu'ils préviligient exclusivement le nombre d'emplois créés. Ça fait en sorte que beaucoup de ces sommes se retrouvent entre les mains d'entreprises ruineuses et non rentables et sans possibilités qu'ils le deviennent.

On passe donc à côté de bons projets prometteurs tout simplement parce que nos gouvernements se servent du capital de risque pour acheter des votes et maintenir des régions artificiellement en vie.

Bref, la prise de participation dans Bombardier, par les gouvernements, ne passe pas du tout le test de la primauté de la substance économique sur la forme légale et, par conséquent, Bombardier a violé les lois en ce qui concerne les subventions ainsi que celles concernant le dumping.

La réponse du département du commerce américain est donc tout à fait juste et justifiée.

Yannick Gagné
Libre@penseur
Lévis, 27 septembre 2017

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