LYSIANE GAGNON
LA PRESSE
Tout ça pour ça ? Huit mois gâchés en palabres sur la Charte, une société âprement divisée, des déchirements sans nom, des amitiés brisées, les ponts rompus avec notre plus importante communauté immigrante, le retour du vieil antisémitisme désormais caché sous le paravent de la laïcité…
Et pour finir, ce mois de campagne où le discours xénophobe a atteint des sommets avec les sorties de Janette Bertrand et de la candidate Louise Mailloux, le pire étant l’odieuse complaisance de tous les ténors péquistes, de Pauline Marois au premier chef, envers ces égarements dont ils ne se sont jamais dissociés.
Tout ça pour ça ? Le Québec sort moralement exsangue de ces mois d’enfer auxquels l’a soumis un parti qui, pour de purs motifs électoraux (et pour paver la voie à un troisième référendum), a exploité l’insécurité culturelle d’une partie de la population en diabolisant des minorités religieuses auxquelles on a collé l’infâme étiquette d’ « intégristes ».
Le débarquement tumultueux de PKP dans la campagne a fait dérailler le plan des stratèges péquistes, mais le plan était là, planifié de longue date, terriblement transparent : faire campagne sur le dos des minorités. On a rarement vu, dans nos vieilles démocraties, un plan de campagne plus déshonorant.
Rien d’étonnant à ce que des indépendantistes ulcérés, comme ceux du Québec inclusif, s’apprêtent à voter Québec solidaire, au risque de devenir les alliés objectifs des libéraux. Le débat sur la Charte, en effet, touchait à des valeurs extrêmement profondes – d’un côté le culte sincère, mais irrationnel, de la laïcité à la française, de l’autre le respect des libertés individuelles, fondements de notre démocratie libérale.
Ce sont là des valeurs qui vont au-delà des lignes partisanes et même des opinions qu’on peut avoir sur la question nationale. Il s’agissait de savoir dans quelle sorte de société nous voulons vivre.
Dans la panique d’une fin de campagne éprouvante, Mme Marois y est allée de ses propres improvisations sur le sujet. La période de transition pour les employés rétifs ? Elle « pourrait dans certains cas peut-être être un petit peu allongée s’il y a lieu ». Dans certains cas, peut-être, s’il y a lieu… bonjour la confusion !
Sur les employés qui seraient congédiés en vertu de la loi sur la Charte : nous les aiderons à se réorienter dans le secteur privé, de dire Mme Marois avec une sollicitude toute maternelle.
Mais comment recycler le chirurgien qui tient à sa kippa (comme c’est le cas de tous les juifs orthodoxes) ? Il va opérer où, le docteur, s’il est exclu des hôpitaux ? Et l’infirmière ? Et l’éducatrice de garderie ? Et le prof d’université ? En plus, l’espace est verrouillé, car même les entreprises privées, pour peu qu’elles fassent affaire avec le gouvernement, tomberaient sous le coup de la loi.
Est-ce par hasard que le PQ a envoyé ses quatre candidates d’origine maghrébine – des femmes que le parti a abondamment utilisées pendant le débat sur la Charte – dans des circonscriptions libérales, pour ainsi dire à l’abattoir ?
Evelyne Abitbol, dans Acadie (qui a réélu avec 11 000 voix de majorité la libérale Christine St-Pierre en 2012) ; Yasmina Chouakri, dans Anjou (3000 voix de majorité au PLQ en 2012) ; Leila Mahiout, dans Bourassa-Sauvé (7000 voix de majorité au PLQ en 2012).
Quant à Djemila Benhabib, elle a été cavalièrement expulsée de Trois-Rivières, où elle comptait se représenter après s’être installée avec mari et enfant dans la circonscription, au profit d’Alexis Deschênes, un nouveau venu en politique. Mme Benhabib a été expédiée dans Mille-Îles, une circonscription qui vote libéral depuis 2003.
Voilà comment le PQ a remercié ces femmes qui ont rompu avec leur communauté pour se faire les thuriféraires de la Charte.
Posted via Blogaway
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